2010-07-11

À propos de la controverse créée par Jacob Tierney


Jacob Tierney a déclaré cette semaine que les immigrants et les anglophones étaient non seulement marginalisés, mais invisibles dans le cinéma québécois (voir l'article de Marc Cassivi à cet effet). Qu'il ait raison ou qu'il ait tort, certains des arguments qu'il utilise frôlent la "discrimination positive". Voici comment.

Tout d'abord, il ne faudrait quand même pas tout confondre. Réglons l'évidence même : il ne fait aucun doute que le cinéma, qu'il soit d'origine canadienne ou québécoise, devrait être financé au mérite et à l'originalité, peu importe l'idée ou l'origine ethnique de la personne concernée. En fait, cela devrait même être un principe de base appliqué universelement dans tous les domaines.

En revanche, il me semble néanmoins logique que l'un des critères du financement cinématographique du Québec (ou du Canada) soit basé sur l'identité québécoise (ou canadienne). Nous sommes tout de même au Québec (au Canada), et c'est de notre argent à tous dont il s'agit. Pas d'un financement privé. Si les critères sont mal définis ou qu'ils sont trop restrictifs, il n'en tient qu'à nous en tant que peuple de les redéfinir et/ou de les faire évoluer. Or, il ne faudrait pas confondre l'identité de la région métropolitaine avec celle du reste du Québec, au même titre qu'on ne doit pas confondre l'identité québécoise avec l'identité canadienne. Quiconque a voyagé un peu au Québec et au Canada sait qu'il existe un monde de différence entre les deux, et ça aussi c'est une réalité.

Ceci m'amène au point suivant, qui me semble utilisé à toutes les sauces de manière erronée dans ce débat : prendre l'exemple des films populaires québécois (c'est-à-dire les "blockbusters") pour apposer l'étiquette "non-diversifiée" au cinéma québécois, c'est ne regarder qu'un côté de la médaille et c'est complètement malhonnête. En fait, c'est un peu comme dire que le cinéma américain se résume à ce qui sort d'Hollywood. C'est complètement faux. Côté Québec, Chouinard, Laferrière, Jutra, Roby, Tana, Pool, Lanctôt, Geaudreau ou Bélanger sont tous des cinéastes Québécois qui ont fait une grande place aux minorités dans leurs oeuvres, et qui prouvent par le fait même que le cinéma québécois n'est pas si hermétique qu'on le croit.

Suffit de regarder plus loin que le bout de son nez et de regarder autre chose que les "blockbusters" pour s'en convaincre. Le cinéma québécois ne se résume pas uniquement à 10 films dans les 10 dernières années ! S'attarder uniquement aux films populaires chez la masse, c'est une manière simpliste de s'attaquer à la majorité et à son cinéma de divertissement dans l'unique but de provoquer une controverse. En fait, il s'agit même d'une accusation discriminatoire à peine voilée.

Les films tels Maurice Richard, Polytechnique, Un homme et son péché, La grande séduction, etc. s'adressent à un public francophone et correspond à ce qu'une forte majorité de Québécois aime bien regarder pour se divertir. On peut aimer ou détester, mais il s'agit d'un cinéma tout à fait distinct de ce que l'on retrouve ailleurs sur la planète et qui mérite d'être préservé, car il correspond à la voix d'un peuple bien réel.

Ceci dit, qu'on me comprenne bien : loin de moi l'idée de ne vouloir financer QUE ce type de cinéma ! Ce genre de film n'a souvent même pas besoin d'aide monétaire tant il est profitable au final. De toute manière, l'art, comme la science, ne doit pas uniquement être financé sur la base de sa réussite monétaire.

En revanche, critiquer le manque d'ouverture des Québécois sur la base de son cinéma populaire "de souche", c'est facile, gratuit et malhonnête. Et lorsqu'on veut faire avancer la cause du cinéma des minorités visibles au Québec, c'est surtout une très mauvaise manière de s'y prendre pour convaincre le Québécois moyen !

N'oublions jamais ceci : si l'on désire critiquer "Pierre Tremblay du Saguenay" de ne pas connaître Rachid Taha ou Jamel Debbouze, il faut à tout le moins critiquer "Giovanni Pellegrini de Saint-Léonard" de ne pas connaître Patrick Huard ou Louis-José Houde ! La discrimination, ça va dans un sens comme dans l'autre, et moi je n'embarque pas là-dedans (dans un sens comme dans l'autre).

Or curieusement, elle semble toujours de bon ton lorsqu'elle s'attaque à la majorité blanche et francophone du Québec aux dépens des minorités visibles de Montréal, ce que je déplore énormément. D'une certaine manière, il s'agit d'un double standard flagrant et ça ne devrait pas être toléré, d'un côté comme de l'autre.

Voilà entre autres pourquoi les propos de Jacob Tierney ont créé tout un émoi dans les médias francophones ces derniers jours. Les Québécois francophones en ont marre de se faire traiter de racistes de manière injustifiée et à peine voilée.
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