2009-01-18

Petite expérience de santé québécoise

24 décembre 2008. 4h00 du matin. Ste-Foy, Québec.

Douleurs à la poitrine. Merde, qu’est-ce qui se passe ? Voilà quelques jours que je ressens ça. Et en plus il faut que ça tombe la veille de Noël. Pas exactement le bon moment pour voir un médecin...

Coup de fil à Info-Santé. Excellente infirmière. Discussion d’environ 45 minutes sur les symptômes et les causes probables. Comme la douleur semble se résorber lors des repas et qu’elle n’est pas corrélée avec l’effort physique, la dame élimine la cause cardiaque, mais elle me donne néanmoins des numéros de téléphone pour quelques cliniques sans rendez-vous dans les environs.

9h00 à 13h00 seulement. Et assurez-vous d’arriver à l’avance, car ils ont des quotas. Veille de Noël oblige, c'est la chiasse.

Encore une chance que je connaisse trois médecins dans la région de Québec. Coup de fil à l’une d’entre elles. Bla bla bla, clinique ? Bla bla bla, oublie ça. Bla bla bla, pas vraiment le goût d’attendre 12 heures dans la salle d’attente d’une urgence non plus...

Ce que mon amie médecin me dit ? Très simple quand on connaît les entrailles du système de santé québécois. Nick, tu veux passer vite et qu’on s’occupe de toi ? Voici ce que tu vas faire :

1) Tu vas à l’urgence de l’un des trois hôpitaux suivants dans la région, dans l’ordre : St-Sacrement, Hôpital Laval, ou CHUL. Les urgences des autres sont toujours trop engorgées. 

2) Lorsque tu arrives au triage (c’est-à-dire à la première infirmière que tu vois), tu lui dis que tu as une douleur à la poitrine. Tu ne lui dis PAS que ça s’estompe quand tu manges. Tu ne mens pas, mais tu lui dis seulement que tu t’es levé ce matin, que tu avais une douleur à la poitrine et que ça dure depuis quelques jours.

Je m’habille et je fais exactement ce qu’elle me dit. Résultat ? Priorité numéro 1 : risque élevé, potentiel cardiaque. En moins de temps que je ne l’avais prévu, j’ai pu observer l’extraordinaire efficacité du système de santé québécois lorsqu’il est mis face à un *VRAI* cas d’urgence. En moins de 10 minutes, j’étais à l’urgence primaire, déshabillé, couché sur une civière avec des électrodes partout sur la poitrine, avec une infirmière qui me préparait le garrot pour me faire des prises de sang. J’avais même l’impression d’être dans une urgence privée tellement la salle était petite, propre, rangée, et avec si peu de patients. Et en prime ? Médecin hyper gentil et absolument génial.

Bon d’accord, j’ai quand même dû attendre quelques heures sur la civière, mais il faut tout de même avouer que ça ne prend pas deux minutes faire 3 prises de sang, un test d’urine, un électrocardiogramme et quatre radiographies (deux aux poumons et deux aux intestins), en plus d'attendre les résultats d'analyse. Franchement, rien à redire sur le service et l’efficacité. J’ai même eu droit à un repas en prime (bon d'accord, de la bouffe d’hôpital, mais de la bouffe quand même). 

Verdict ? Aérophagie. De l’air dans l’estomac, c’est tout. Genre un demi-litre d’air logé dans le haut de mon estomac qui pousse sur mon diaphragme et qui crée la douleur que je ressentais alors depuis quelques jours. 

Manges-tu trop vite ? Un peu, oui. 
Mâches-tu beaucoup de gomme ? Un peu, oui.
Bois-tu beaucoup de boissons gazeuses ? Bof pas vraiment, mais j’habite aux USA quand même, donc peut-être, oui.
Es-tu stressé ? Bin quin, je viens d’apprendre que j’ai un cancer de la peau. Qu’est-ce que t’en penses ?

Voilà. Voici ton congé. Merci bonsoir. Joyeux Noël. Évite les bulles.

Les patients ne passent pas dans l’ordre d’arrivée, mais bien par ordre de priorité. C’était écrit en grosses lettres à l’arrivée, et pour la première fois de ma vie j’ai pu le constater pour vrai.

J’ai pu enfin constater que le problème du système de santé québécois, ce n’est pas son efficacité ou encore la qualité des soins que l’on y prodigue. J’ai pu constater que le système de santé québécois, autant puisse-t-on en dire bien du mal, il demeure pas mal extraordinaire, *EN AUTANT* que notre problème est *RÉELLEMENT* urgent.

Le problème du système de santé québécois, c’est au niveau de la bureaucratie qu’on le retrouve. Le problème du système de santé québécois, c’est dans l’absence d’une *RÉELLE* solution efficace à l’extérieur de l’urgence d’un hôpital ou d'une clinique privée qui accepte 15 patients par jour.

Si vous êtes comme moi, que vous devez voir un médecin rapidement et que vous n’avez pas de médecin de famille, qu’est-ce que vous faites vous ? Moi je vais soit à l’urgence ou dans une clinique privée. Vous connaissez d’autres alternatives, vous ? Pas moi. Il n’y a *PAS* de réelle alternative à ces deux possibilités. Ou du moins, si elles existent ces alternatives, le monde ordinaire n’est pas au courant, car les urgences sont bondées sans que ce soit justifié. Si elles existent ces solutions alternatives, qu’on nous instruise au plus sacrant !

Car comme c’est là, si vous vous ramassez à l’urgence et que votre cas n’est réellement pas si urgent, c’est LÀ qu’on vous fait attendre les 12 heures des statistiques québécoises. Et c'est ÇA qui nous fait tous rager contre notre système de santé. Avouons-le quand même : c’est exactement dans ces situations-là qu’on engorge le système, nous, petits êtres humains qui s’imaginent être en situation de « vraie » urgence.

C’est peut-être bien simple à dire, mais il n’en demeure pas moins que la meilleure façon de régler le problème, c’est de trouver une *VRAIE* alternative entre avoir un médecin de famille disponible 24 heures sur 24 (ce qui est irréaliste et loin d’être donné à tout le monde), ou encore d’engorger des urgences qui pourraient être pas mal moins bondées si on pouvait aller ailleurs efficacement.

Changer les choses pour le mieux et avec originalité, on a déjà fait ça au Québec, notamment dans l’éducation avec la création des cégeps dans les années soixante. Suffit de réfléchir et d’agir en dehors des discours politiques partisans. Let's think outside of the box for two minutes...

Car aux États-Unis, ça coûte peut-être cher pour le prolétaire qui n’en a pas les moyens, mais voir un médecin rapidement, ça marche en s’il-vous-plaît ! Vous aurez compris que j’utilise leur système de santé pas mal de ces temps-ci et j’ai eu l’occasion de m’en faire une petite idée. On s’en reparlera bien assez tôt.

6 commentaires:

Le Redneck a dit...

Ça fait un bout de temps que c'est comme ça au Québec et que ça fonctionne par priorité.

Le problème c'est que des fois la personne qui attribue les prioritées est dans le champ. Également, plus ton chiffre est élevé plus le temps d'attente est exponentiel.

ex:
Stage 1: Traitement immédiat
Stage 2: 3 heures d'attente
Stage 3: 12 heures d'attente
Stage 4: 24 heures d'attente
Stage 5: Retourne chez vous tu passera jamais.


Ma belle mère est tombée sur la glace entre Noel et le jour de l'an et elle s'est foulée le genou solidement. Plus capable de marcher dessus. Le genou était enflé aussi gros qu'un pamplemousse. Elle est allée à l'urgence et on l'a déclarée Stage 4. Elle a attendue 13 heures et elle s'est tannée et est retournée chez eux. Elle s'est ensuite présentée très tôt à une clinique à Blainville le lendemain et a finalement pu voir un médecin. Le médecin en question lui a suggéré de porter plainte contre l'urgence de l'hopital car selon lui, son cas aurais du représenter un stage 2 ou 3 au minumum vu l'état de son genou.

Anonyme a dit...

Délais d'attente moyen pour l'obtention d'un service en externe, hôpital de Sept-Îles, janvier 2009 (source : chef des services archives médicales/admission/centrale de rendez-vous) :

-gynécologue, semi-urgent : 12 mois et plus. Non urgent : 18 mois et plus.
-médecine interne, semi-urgent : 4 mois et plus. Non urgent : 12 mois et plus.
-neurologue, prioritaire : 1 mois. Non urgent : 8 mois.
-ophtalmologie, urgent : 12 mois et plus.
-orthopédie, urgent : 7 mois. Non-urgent : 26 mois.
-pneumologue, semi-urgent : 12 mois et plus.
-psychiatrie, urgent : 1 à 2 mois. Non urgent : 1 an.
-urologue, semi-urgent : 3-4 mois. Non-urgent : 2 ans et plus.
-etc.

Voyez-vous pourquoi les médecins de famille sont si bons et si difficiles à trouver ? Ils assument les tâches que les spécialistes ne peuvent pas faire. Le pire, c'est qu'il manque encore plus de médecins de famille que de spécialistes. Tout cela à cause des belles décisions de l'État.

Les médecins de famille au Québec pratiquent de la médecine de brousse (au sens de "ils font de tout" avec peu de moyens), dans un système qui ressemble à la brousse.

Anonyme a dit...

@Redneck :

Pour votre information, voici les délais d'attente au triage tels qu'ils "devraient" être (source :http://www.triage-urgence.com/artri_ca.php)


Priorité I : réanimation : Immédiat
Priorité II : très urgent : 15 minutes
Priorité III : urgent : 30 minutes
Priorité IV : moins urgent : 60 minutes
Priorité V : non urgent : 120 minutes

Trouvez une seule urgence au Québec où ces délais sont respectés !

Et comme c'est la norme, si un patient est coté priorité 4 et qu'il meurt dans la salle d'attente après une heure, l'infirmière au triage pourrait être blâmée ! Comme si elle était responsable de ces délais (mais jamais le gouvernement bien sûr) !

Anonyme a dit...

Je crois que le mieux, si vous voulez passer rapidement, est de devenir soi-même médecin.

Comme ça, voir un spécialiste dans le corridor ou entre deux cafés ou au restaurant est chose relativement facile.

Et oui, se prescrire parfois un petit traitement ou un rayon X fait partie des avantages non imposables (sauf pour les plus vertueux qui couchent avec leur code de déontologie).

Nicdou a dit...

Ce dont nous parle l'ami anonyme, on le sait déjà, mais on refuse souvent de le croire (préférant souvent s'imaginer que les déclarations sont exagérées par rapport à la réalité).

Là où ça fait mal, c'est quand on se rend compte que les déclarations en question viennent directement de la plume d'un médecin qui vit ça sur le terrain à tous les jours...

Ouch.

Anonyme a dit...

Tiens, l'an dernier, j'ai trouvé un cancer du rein à quelqu'un. Je l'ai référé à Québec en appelant directement l'urologue. Il a été opéré trois mois plus tard ! Imaginez l'angoisse qu'il a vécue !

Le problème, dans notre système, c'est qu'on dirait qu'il n'y a qu'une seule porte d'entrée, c'est l'urgence. En France, les urgences (que j'ai visitées) sont vides, les patients ont accès aux médecins en externe facilement. Et les étages ne sont pas fermés comme ici... Ça aussi ça désengorge.

Quand j'étais à l'Enfant-Jésus, avant qu'ils ne rénovent l'urgence, il manquait d'espace à l'urgence majeure, donc on devait faire des 1/2 !

Civière 1, civière 1 et 1/2, civière 2, civière 2 et 1/2, etc. !

Deux civières se partageaient le même rideau comme sous une tente, et partageaient une seule source d'oxygène, une seule succion, etc. Nous manquions de place pour se mettre entre les deux civières pour examiner les patients. Et adieu toute intimité pour eux ! Et cela de façon quotidienne ! Sans compter toutes les civières dans le corridor ou dans les "salles de débordement".... Devenu la norme.

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