2008-06-20

La vie à tout prix - Partie 2

Je me permets de poursuivre la discussion sur le mouvement pro-vie/pro-choix dans un second billet, car le commentaire suivant de Karine mène à une réponse trop élaborée pour la section commentaires du message précédent.

Partisane du mouvement pro-vie, Karine nous dit :

« Principe #1 : Respect de la vie (ce qui explique à peu près toutes mes positions). Un petit cœur commence à battre à 25 jours de vie. Et ne me sortez pas la phrase: oui mais un bébé n'est pas viable sans le lien à la mère. Le nouveau-né n'est pas viable non plus seul à 2 ou 3 jours de vie. Pourtant, s'en débarrasser car il est encombrant, ça s'appelle un infanticide.

Principe #2 : Prendre ses responsabilités et accepter les conséquences de nos actions. Notre liberté arrête là ou celle de l'autre commence. Et ne me ressortez pas la fameuse phrase: oui, mais en cas de viol... C'est une aberrante minorité. En passant, j'avais oublié de dire que je suis hyper pro-contraception!


Je suis sidérée que ce sujet soit un sujet fermé au Québec. Plus le droit d'y réfléchir. L'avortement est si banalisé que les femmes y ont recours souvent après des rapports sexuels irresponsables.


Lorsque cela arrive et qu'on me dit que c'est trop traumatisant pour une femme de faire adopter son bébé, je ne vois pas en quoi ce l'est moins de le tuer, à part une belle opération de brainwashing qu'avant tel nombre de semaines, ça ne compte pas.


Bref, c'est un début. Que me répondez-vous ? »


Avant de poursuivre cette discussion, partons de la prémisse suivante : ce n’est pas aujourd’hui que nous allons régler le cas du débat pro-vie/pro-choix. Même s’il est de notre devoir d’en discuter, des années d’escalade de violence entre les tenants de chacune de ces positions sont suffisantes pour nous démontrer que le sujet touche à des convictions personnelles très sensibles qui sont souvent irréconciliables. Mais discutons néanmoins.

Cela dit, éthiquement parlant, la définition de la vie est aussi floue que le débat qui l’entoure. Vous soulevez un point tout à fait légitime en stipulant que le cœur d’un fœtus commence à battre à 25 jours. Nonobstant la loi contemporaine sur l’avortement, il existe effectivement une ligne difficile, sinon impossible à définir entre le moment où un fœtus devient un organisme vivant à part entière qui mérite une considération légale équivalente à celle d’un être humain. Un nouveau-né ne peut effectivement pas survivre sans sa mère à l’âge de 2 ou 3 jours, tout comme un fœtus prématuré de 6 ou 7 mois peut très bien survivre avec l’attention particulière qu’on peut lui prodiguer. Difficile à juger.

D’ailleurs, je suis persuadé que la plupart des gens qui sont en faveur de l’avortement ont eux aussi beaucoup de difficulté à réconcilier leur position avec cette frontière invisible (j’en suis). Avortement après 5, 10, 15, 20 ou même 25 semaines ? Dans un groupe de gens pour l’avortement, vous obtiendrez autant de réponses qu’il y a de gens présents dans la salle. À ce niveau, personne n’est d’accord et personne n’a raison.

Or, à mon avis, voici tout de même où le bât blesse dans toute cette histoire. C’est d’ailleurs la raison qui m’a fait écrire le billet précédent. Être pro-vie ou pro-choix et défendre sa position sur des bases morales, c’est une chose. En revanche, être pro-vie et défendre sa position sur des arguments religieux comme les extrémistes que je croise à chaque semaine devant le Planned Parenthood de mon quartier, c’est se tirer une balle dans le pied. Honnêtement, le talon d’Achille du mouvement pro-vie, il est là. Il est franchement très difficile pour tout individu doué de raison de prendre les prémisses de ce mouvement au sérieux quand l’argumentaire principal de la position demeure fondamentalement biblique. C’est un peu comme tenter de prendre un extrémiste islamique au sérieux lorsqu’il avance que l’Occident doit être éliminé parce qu’il est bourré d’infidèles. Les arguments basés sur la foi ne sont que pure folie et mènent inévitablement à l’extrémisme de la pire espèce.

Il est également difficile de prendre au sérieux un mouvement qui, comme vous le dites si bien, prétend « respecter la vie » alors qu’il pose des bombes pour éliminer les professionnels de la santé qui sont liés de près ou de loin aux cliniques de l’avortement. Il est pareillement difficile de prendre au sérieux un mouvement qui place apparemment la vie en si haute estime alors que ses supporteurs sont généralement les plus ardents défenseurs des politiques américaines les plus conservatrices, notamment la guerre contre le terrorisme et l’invasion de l’Irak (qui à elles seules ont causé la mort d'une quantité faramineuse de gens dans les dernières années, tant du côté irakien que du côté américain). Aussi véridiques leurs arguments puissent-ils être, ce genre d’image ternit toute la réputation d’un mouvement qui tente de se prendre au sérieux.

Sur ce, permettez-moi de constater que le gros problème que je vois dans le mouvement pro-vie, c’est justement qu’il est exempt de tout choix. Avec le mouvement pro-vie, une femme tombe enceinte et elle n’a aucun choix : elle doit avoir son bébé, peu importe la situation dans laquelle elle se trouve. Pour la plupart de ces gens-là, il n’y a aucune exception acceptable. C’est dommage, mais c’est aussi ça que l’on appelle de l’extrémisme. Vous ne voulez pas que je vous sorte l’exemple du viol ? Je vous l’offre quand même, aussi rare puisse-t-il être à votre avis. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est véridique, approprié et qu’il sous-tend à peu près tout autre choix sérieux qu’une femme pourrait y substituer. Avec le mouvement pro-vie, la femme n’a tout simplement plus de choix. À ce point là, en plus de tomber dans l’extrémisme, on diverge considérablement du débat sur l’avortement pour retomber dans celui combien plus rétrograde de la non-égalité des sexes. Et ça non plus ce n’est pas rien.

Or, peu importe les raisons sérieuses qui pourront être soulevées par n’importe quelle femme sur cette terre par rapport au choix de se faire avorter, qui sommes-nous pour définir ce qu’ELLE veut faire avec son corps ? Et vous ? Accepteriez-vous qu’on vous oblige à faire des choix que vous ne désirez pas prendre (comme vous faire avorter par exemple) ? J’en doute.

Quant à la solution de l’adoption, elle me fait toujours soulever ce petit sourire en coin. Non pas qu’elle ne soit pas valable, mais bien parce que je trouve qu’il s’agit d’une solution tellement simple à suggérer pour quelqu’un qui n’a jamais été mis dans cette situation... L’adoption, ça implique justement de rendre un bébé à terme. Et rendre un bébé à terme, ce n’est rien de moins qu’un service militaire ! Vous aurez beau dire le contraire, rendre un bébé à terme, c’est faire un sacrifice ÉNORME dans sa vie. Rendre un bébé à terme, ça peut impliquer de perdre son emploi, d’affecter son parcours scolaire, de subir des pressions sociales, etc. Et ça, c'est sans compter les coûts que ça engendre et la difficulté de mettre au monde un bébé ! En gros, rendre un bébé à terme, c’est facile à dire, mais combien difficile à faire pour quelqu’un qui n’est pas directement concerné par la chose. Et c’est encore plus difficile à faire comme choix pour une femme enceinte qui n’a pas le goût d’avoir cet enfant ou qui ne porte pas la vie en estime comme vous.

Sur ce, trêve de discussions interminables, je me permettrai tout de même d’être partiellement en accord avec vous au niveau des responsabilités et des conséquences de nos actions. Malgré tout ce que je viens de vous dire, je ne considère pas l’avortement comme une opération banale et je suis de ceux qui trouvent que c’est une solution qui doit effectivement être prise avec sérieux après avoir considéré toutes les autres options qui s’offrent à nous. Ainsi, si une telle chose existe réellement, je considère complètement ridicule et irresponsable l’attitude voulant que certaines personnes puissent même effleurer la possibilité d'utiliser cette intervention plus que sérieuse à titre de méthode contraceptive.

1 commentaire:

Vincent Sremed a dit...

Pour rajouter de l'huile ici, je reproduit mon commentaire en réponse à l'opinion sur l'avortement du blogue de Sébastien Lapierre, un membre de l'ADQ et du parti conservateur beauceron (et de 16 ans) :

http://sebastienlapierre.wordpress.com/
(s'y référer pour la suite de ses arguments)

« Personnellement, je suis définitivement contre l’avortement sous toute ses formes. Pourquoi? Tout simplement parce que personne, PERSONNE, n’a le droit de vie ou de mort sur un autre être humain, quel que soit l’âge de ce dernier. C’est une VIE, pareil comme nous tous! De plus, il existe plusieurs moyens de rechange à l’avortement. »

Clap, clap, clap.

Je vais vous faire un grand plaisir un commentant cet article et en flattant votre vanité puisque personne ne s’intéresse à vous et à vos idées.

Votre raison manque d’engrais et de soleil. Votre été est pluvieux et inonde les semailles de votre esprit.

Qui vous a donné le droit de décider du droit de vie ou de mort ? Vous vous faites juge de toute l’humanité. L’humain a toujours et aura toujours le pouvoir de vie ou de mort sur l’autre. C’est la loi du plus fort qui est plus forte que votre meilleure volonté enfantine et naïve. Vous pouvez vous amuser à crier le contraire avec la tête dans les nuages des idéaux, cela ne changera rien à la nature humaine.

Maintenant venons-en au vif du sujet.

Vous accordez une valeur suprême à la vie que vous définissez, on en déduit, comme une cellule vivante. Or, vous mangez des végétaux et des animaux. Vous ne respectez donc pas la vie en soi. Vous prenez des médicaments pour tuer des bactéries et contrevenir au cours normal de la vie (la maladie et la mort), vous ne la respectez donc pas. Cessez donc votre double discours sous des faux arguments en faveur de la vie et soyez sérieux plutôt que de jouer les fillettes.

Si c’est maintenant à l’humain que vous accordez une valeur suprême, de façon tout-à-fait anthropocentrique d’ailleurs et en rien justifiée, votre discours ne tient pas du tout et s’écroule comme un château de carte. L’égalité n’existe pas de fait chez l’humain et n’existera jamais sauf dans vos nuages. Elle n’est d’ailleurs aucunement souhaitable pour le bon ordre humain.

Il y a une échelle de valeur chez l’humain, entre les humains, tout ne se vaut pas à nos yeux. Maintenant posez-vous la question : qu’est-ce que la vie ?

Qu’est-ce que la vie en effet ? Une cellule ? Un cœur qui bat ? Un intestin qui bouge comme un ver par péristaltisme ? Un fœtus qui baigne dans son urine ?

Ou est-ce que la vie est l’expérience vécue, les projets, les souvenirs, l’amitié, l’amour, les sentiments ?

Que préférez-vous avorter, la première vie ou la seconde ? Car en forçant une femme à enfanter, c’est le second type de vie que vous avortez en faveur du premier.

Pourquoi considérez-vous les animaux et végétaux moins importants que l’humain ? Je vous donne la réponse que vous devriez avoir : parce qu’ils n’ont pas cette deuxième vie pour vous retenir.

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