2008-06-14

Le projet de loi C-61 ne punit pas les pirates, mais bien les consommateurs

Pour faire suite à mon billet d'hier...

La réforme canadienne sur le droit d’auteur est sortie : tout le monde il est beau, tout le monde il est fin... jusqu’à ce que vous lisiez les petits caractères. Voici les grandes lignes qui touchent à monsieur et madame tout le monde, ainsi que les raisons pour lesquelles le projet de loi est actuellement fortement décrié (avec raison).

1a) Premier point de la loi en apparence positif : reproduction pour usage privé.


Avec cette nouvelle loi, vous pouvez copier de la musique, des images ou des films que vous avez obtenus légalement sur des appareils qui vous appartiennent et sur des supports destinés à ces appareils. N'importe quel format est accepté et, s’il le faut, vous pouvez modifier le format du fichier pour le copier sur un autre appareil. Vous avez droit de reproduire une seule copie du fichier par type d’appareil, tant qu’il s’agit d’un usage privé.


Mais...


1b) Les petits caractères de la loi qui annulent tout le concept :


- Vous ne pouvez pas copier de la musique que vous avez empruntée ou louée. Vous seul pouvez utiliser les copies que vous avez faites. Les membres de votre famille ou vos amis peuvent en profiter avec vous, mais vous ne pouvez donner aucune des copies. Si vous donnez ou vendez le matériel original, toutes les copies faites à partir de cet original doivent être détruites.


Donc, grosso modo, il est illégal d’emprunter un CD à l’un de vos copains pour vous en faire une copie. Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne connais personne sur cette planète qui n’a jamais fait ça... Ça part bien mal comme projet de loi : tout le monde est coupable d’office. Mais bon, au niveau absurde, c’est loin d’accoter le point suivant.


- Il vous est interdit de contourner une mesure technique (serrure numérique) pour faire une copie d’un CD ou d’un DVD.


En gros, dès que l’un de vos CD ou DVD contient un dispositif qui en empêche la copie, il vous est illégal de le transférer sur votre iPod ou sur votre lecteur MP3 ! Ironique, n’est-ce pas ? À elle seule, cette clause éradique à peu près tout le concept derrière le point 1a, car TOUS les DVD contemporains contiennent désormais un dispositif de sécurité contre la copie. Cette pratique est moins répandue sur les CD, mais elle est de plus en plus courante.


2a) Deuxième point de la loi en apparence positif : enregistrement pour écoute en différé.


Avec cette nouvelle loi, vous pouvez enregistrer des émissions de télévision ou de radio auxquelles on a légalement accès, y compris les émissions sur demande, les émissions diffusées à la télévision par câble et par satellite, et les émissions diffusées simultanément sur Internet, à la télévision ou à la radio. Vous avez droit à un seul enregistrement de chaque émission que vous pouvez transférer sur n'importe quel appareil qui vous appartient, y compris les magnétoscopes, les enregistreurs personnels de vidéo, les audiocassettes et les ordinateurs, sauf quand l'émission est entreposée sur le serveur de votre fournisseur de services par câble ou par satellite.


2b) Les petits caractères de la loi qui annulent tout le concept :


- Il vous est interdit de conserver indéfiniment l'enregistrement fait pour l'écoute en différé, ou de le conserver en vue de vous constituer une collection d'enregistrements.


Et voilà les amis, plus le droit de conserver vos émissions sur VHS ou sur DVD ! Fini le temps où vous enregistriez une quantité faramineuse de films Super Écran sur cassette VHS dans votre salon pour écoute future. F-fi-fi, N-ni-ni ! Plus le droit. C’est l’fun, hein ? On continue...


3a) Troisième point de la loi en apparence positif : limites visant les dommages-intérêts préétablis.


Avec la nouvelle loi, le tribunal ne peut accorder, contre un particulier, des dommages-intérêts préétablis supérieurs à 500 $ pour l'ensemble des violations pour usage privé désignées dans la poursuite. Par exemple, si vous téléchargez cinq films sans autorisation, en vertu de la loi actuelle, vous pourriez devoir payer une somme maximale de 100 000 $ en dommages-intérêts préétablis; aux termes du projet de loi proposé, vous ne devriez verser que 500 $. Donc, peu importe le nombre de fichiers illégaux que vous avez sur votre ordinateur, vous ne payerez que 500 $ d’amende.


3b) Les petits caractères de la loi qui annulent tout le concept :


- La limite maximale de 500 $ ne s'applique pas lorsqu'une serrure numérique a été contournée aux fins de l'usage privé d'une œuvre. De plus, afficher des œuvres protégées, comme des photos ou des vidéos, sur des sites tels que Facebook ou YouTube ou partager de la musique sur Internet par un moyen utilisant la technologie point-à-point (peer-to-peer) annule également cette clause.


En gros, dès que vous serez reconnu coupable d’avoir contourné un dispositif de sécurité qui se retrouve sur vos CD ou DVD légaux (ce qui arrivera pratiquement dans tous les cas), vous devrez payer une amende pour chacune des infractions à l’étude (un montant qui monte présentement jusqu’à 20 000 $ par chanson). De plus, dans tous les cas, le tribunal aurait le pouvoir d'imposer des dommages-intérêts punitifs pour dissuader le coupable de commettre d'autres violations à l'avenir. Bref, c’est flou et vague et ça ne contient pratiquement rien de nouveau par rapport à l’ancienne loi.


Je m’arrête ici, mais le projet de loi C-61 est rempli de non-sens similaires à ceux-ci qui font crier haut et fort pratiquement tous les organismes canadiens qui sont liés de près ou de loin à cette réforme du droit d’auteur. Copie pastiche du DMCA américain et défiant des systèmes intelligents adoptés dans le passé par de nombreux pays occidentaux, la nouvelle loi ne tient aucunement compte des consommateurs canadiens et vise encore une fois à les faire passer pour des grands méchants loups criminels. Je vous invite à suivre le débat des prochains mois sur le site de Michael Geist. Discussions intéressantes à venir...


Source : Gouvernement du Canada, Processus de réforme du droit d’auteur.

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