2008-06-13

Les larmes de crocodile de l’industrie musicale

Qu’une cause soit véridique ou non, lorsqu’on vous répète le message suffisamment longtemps, vous finirez bien par croire qu’elle l’est. La guerre contre le piratage musical est un bon exemple contemporain qui revient aujourd’hui sur la table avec le projet de loi C-61 (dont vous n’avez fort probablement pas entendu parler, j’y reviendrai). Aujourd’hui, tout le monde est au courant du tollé créé par le piratage musical. On en discute d’ailleurs à temps plein depuis le phénomène Napster en 1999 : les artistes perdent de l’argent en raison du téléchargement illégal en ligne, les gens n’achètent plus de musique et de films puisqu’ils les piratent, les ventes de CD et de DVD sont en baisse, et patati et patata.

Est-ce réellement vrai tout ça ?

La réponse à cette question n’a en réalité aucune importance, car ce qui compte aujourd’hui, c’est la pure et simple rentabilité qui se cache derrière l’intention. La réalité, c’est que la révolution numérique donne l’impression que le consommateur est le gros méchant loup coupable de la misère financière des artistes en ce début de 21e siècle. La simplicité, la popularité et l’omniscience du petit format musical numérique de haute qualité et simple à télécharger donne l’impression que l’équation est aussi simple que A + B = C : tu télécharges mon œuvre sans la payer, tu me prives de mon salaire, c’est toi le coupable et tu devrais être poursuivi. Dans un monde idéal où 100 % des profits de l’achat d’un CD revient dans les poches des artisans qui l’ont créé, tout cela est bien vrai. Or, comme vous l’aurez facilement deviné, ça ne fonctionne pas du tout comme ça.

L’ironie dans tout cette histoire - ironie qui devrait d’ailleurs mettre la puce à l’oreille de bien des gens -, c’est que le débat n’a jamais été bien différent depuis les débuts de la technologie permettant l’enregistrement de la voix humaine, soit depuis un peu plus d’un siècle. J’ai déjà posté un lien renvoyant vers un argumentaire éloquent de Larry Lessig à cet effet et je me permets de le poster à nouveau ici puisqu’il m’évite d’avoir à refaire le tour de la question.

En fait, le but de tout ce débat sur les droits d’auteurs, c’est de nous faire croire que la révolution numérique est pire que toute autre révolution passée dans le monde de l’enregistrement audio/vidéo, ce qui s’avère être complètement faux. Bien évidemment, nous faire croire que tout ce qui existait avant (cassettes audio, VHS, radio, etc.) n’avait aucune mesure de comparaison par rapport à ce qui se passe aujourd’hui, c’est dans le plus grand intérêt de l’industrie musicale contemporaine. Ironiquement, les compagnies qui crient au meurtre aujourd'hui à cet effet sont les mêmes qui ont tout fait pour tenter d’éliminer lesdites technologies dans le temps... Mais bon, pour la parjure, on passera.

La vérité, c’est que dans la vie de tous les jours, tout le monde finit quand même par débourser une partie non négligeable de ses économies personnelles en divertissements de toutes sortes. Que ce soit en achetant des CD ou des DVD originaux, en allant au cinoche, en payant ses factures de câblo-distribution ou d’Internet, en allant voir des spectacles, ou même a achetant les CD et DVD vierges (qui sont taxés pour permettre un retour monétaire équitable aux artistes), la réalité demeure choquante pour quelqu’un qui n’a jamais entendu l’argument contraire : l'industrie du divertissement est extrêmement lucrative. Le problème dans tout ça, c’est que ce ne sont justement pas les artisans qui ramassent les profits, mais bien les actionnaires principaux du « big four » : l’empire musical qui contrôle conjointement plus de 70 % des parts mondiales du marché de la musique : Sony BMG, EMI, Universal et Time Warner.

Or, la beauté de cette histoire génialement futile et tordue provenant du monde juridique et légal dans lequel nous vivons aujourd’hui, c’est que les conglomérats en question réussissent à nous faire croire que la faute de ce « détournement de profits » est directement causée par nous, les consommateurs. Et le pire dans tout ça ? Ils réussissent très bien à nous faire gober la facture ! En fait, même les gouvernements renchérissent (nous y reviendrons).

En effet, en regardant les faits de plus près, on se rend rapidement compte que toute cette guerre contre l’individu consommateur de produits de divertissement n’est en réalité qu’une campagne de propagande fortement subventionnée par des lobbys du monde numérique, qui sont vigoureusement nostalgiques du temps où ils ramassaient l’entièreté des profits du monopole des médias numériques (principalement le disque compact). Le monde change et les médias se diversifient, mais l’avidité humaine n’a aucune limite.

Non mais franchement...

Pensez-vous réellement qu’il s’agit d’une question de droits d’auteurs ? Les auteurs et les artisans qui perdent au change sont-ils réellement ceux pour qui ces multinationales se battent et dépensent des millions de dollars en frais d’avocats dans cette cause ? Pensez-vous franchement que le sort des artisans sera amélioré en faisant la guerre au piratage ? Poser la question c’est y répondre : absolument pas. Je me permettrai ici de retranscrire le discours de Jean-François Mercier lors de son plus récent passage au gala des Oliviers :

« [Ça me fait rire] quand j’entends un chanteur se plaindre du piratage. Heille bonhomme, c’est pas parce que ton album a été piraté 30 000 fois que t’en aurais vendu 30 000 copies de plus, ok ? Les petits jeunes qui piratent les albums n’ont pas d’argent pour en acheter, anyway. Je suis peut-être naïf, mais moi je pense vraiment que la plupart des gens désirent que les chanteurs aient de l’argent pour pouvoir continuer à faire de la musique. Mais ce qui les fait chier, c’est le producteur qui prend sa cut, la compagnie de disque qui prend sa cut, le distributeur qui prend sa cut, le vendeur qui prend sa cut. Quand tout le monde a fini de prendre sa cut, il ne reste plus bien gros d’argent pour l’artiste ! Moi quand j’entends Marie-Hélène Thibert dire à Tout le monde en parle qu’elle n’a pas d’argent pour s’acheter une maison même si elle a vendu 400000 CD et 25000 DVD, j’me demande bien il est où le vrai piratage ! Regarde ma grande, commence par te faire payer les albums que tu vends à un prix qui a de l’allure, et après ça on s’attaquera à ceux que tu ne vends pas ! »

Le vrai piratage, il va directement aux messieurs de Sony BMG, EMI, Universal et Time Warner, dont les actionnaires principaux et dirigeants se mettent des milliards de dollars dans les poches à chaque année. C’est un monde de requins où la quête du plus haut profit est bien loin des préoccupations des artistes qui créent les produits préfabriqués qu’ils nous vendent. Ces gens-là nous vendraient de la viande, des meubles, des voitures ou des horloges que ça ne ferait aucune différence : pour eux, le droit d’auteur n’est tout simplement qu’un prétexte pour arriver à leurs fins.

C’est plate à dire, mais il s’agit d’une des conséquences directes du monde capitaliste dans lequel nous vivons et il nous faut l’accepter. Ces gens-là ont non seulement les moyens d’être au dessus de toutes ces nobles préoccupations, mais ils ont également les moyens de se payer certains des plus importants lobbys de la planète, qui font à leur tour des pressions énormes sur les partis politiques au pouvoir dans le but de refiler la facture aux contribuables. Je vous laisse ensuite deviner qui remplit les caisses électorales des partis politiques en question...

Résultat ?

La population écope sans rien dire, car tout ça est bien évidemment décidé dans les chambres closes sans tambour ni trompette. En résultent donc des projets de loi comme C-61, sur lequel je reviendrai dans mon prochain billet.

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