2008-04-05

La nostalgie du disque compact (deuxième partie)


Télé Dynamique, Kébec Disques, Musique d’Auteuil, etc. À part mes propres souvenirs d’enfance et d’adolescence (voir le billet précédent), qu’est-ce que ces commerces ont-ils donc tous en commun ? L’histoire d’un passé révolu, d’une diversité perdue, d’une passion qui n’existe plus et d’un désir de servir qui se perd désormais dans la fausse politesse des commis des multinationales. Où sont donc rendus ces lieux mythiques qui nous tenaient jadis tant à cœur ? Ils se sont tous malencontreusement perdus dans une histoire connue et répétée à maintes reprises dans le monde occidental au courant des dernières années, et qui a toujours le même portrait : la fermeture des magasins locaux au profit de la monotonie de ce que j’aime bien appeler les « chaînes de montage ». Mais ne nous méprenons pas trop vite ! Nous en profitons amplement de ces chaînes de montage. En revanche, la relation que l’on cultive avec elles demeure pour ainsi dire assez monotone, sinon dans bien des cas carrément désagréable.

À première vue, le succès commercial des Best Buy, Archambault, Future Shop, Target, Wal-Mart et compagnie demeure bien avantageux pour le consommateur puisque celui-ci y trouve inévitablement des prix qui défient toute concurrence. Or, comme dans plusieurs situations de la vie quotidienne, la réalité demeure souvent bien différente. Après m’être lancé à la recherche des Bach, Slayer, Keith Jarrett, Trevor Pinnock, Richard Desjardins et compagnie dans plusieurs magasins de disques neufs et d’occasion de Montréal, Berlin, Paris, New York, en passant par New Haven, San Francisco, Boston et Los Angeles, le constat demeure toujours le même : fermeture des magasins qui vendent de l’usagé, rétrécissement des sections moins « rentables », fermeture des chaînes hétérogènes (notamment Tower Records) et diminution de la spécialisation, de la connaissance et de la diversité. Diversité des étiquettes distribuées, diversité des genres, des styles, du choix et ironiquement... des prix. Car la monotonie de l’identité des prix, des politiques du « nous accotons le prix du concurrent », tout cela mène inévitablement à l’uniformité des produits et des ventes.

Cette réalité du commerce de CD local m’est rentrée en pleine face il y a moins d’un an lorsque j’ai appris la fermeture d’une autre institution montréalaise du disque d’occasion : Le Tuyau Musical, sur l’avenue Mont-Royal. Tollé général, manifestations, mécontentements. Bref, on en a fait tout un plat sur le Plateau (sans jeu de mots). Bien que j’eusse été un client régulier de l'endroit à l’époque, je n’arrivais pas à m’impliquer émotivement dans tout ce débat. Du moins, c’est l’impression que j’en avais sur le moment, malgré mon attachement évident à ce petit coin unique de la métropole québécoise. En revanche, le choc fut brutal lors de mon arrivée aux États-Unis : absence presque totale de petites chaînes d'occasion, monotonie des chaînes de montage, choix inexistant.

À cet effet, mes amis mélomanes et moi avions l’habitude de faire ce que nous appelions dans le temps « la route des CD » de Montréal. À la recherche de trouvailles ou de nouveautés croustillantes, la route commençait indubitablement par les HMV, Music World et Future Shop de la Ste-Catherine, faisait un saut à la bibliothèque nationale et se terminait enfin dans les plus petites boutiques de disques d’occasion des rues St-Denis et Mont-Royal (qui tombent d’ailleurs comme des mouches depuis l’arrivée du 21e siècle). Paradis terrestre pour le mélomane à la recherche de la découverte musicale à bas prix et de la diversité indépendante et commerciale, comment expliquer leur soudaine descente aux enfers ?

Avec raison, certains pointeront du doigt les grandes surfaces, mais je serais prêt à avancer que le réel « coupable » dans toute cette histoire demeure Internet. La corrélation est stupéfiante : l’accessibilité du public aux catalogues des grandes chaînes des magasins de disques en ligne (et conséquemment de la liste de ce que ceux-ci conservent dans leurs entrepôts) a littéralement anéanti la nécessité d’apporter le produit au consommateur. On n’a plus besoin de faire le tour des 4e et 5e étages de Musique d’Auteuil pour échantillonner ce qu’il y a de nouveau ou ce qui s’en vient, car les chaînes virtuelles comme Amazon et eBay nous permettent amplement de satisfaire notre curiosité musicale sans avoir à lever ce gros derrière de notre chaise. En apparence, tout semble au rendez-vous dans ce couple virtuel, tant pour les commerçants (réduction de l’effort du choix, des coûts de livraison, des surplus de stock) que pour les consommateurs (augmentation exponentielle du choix et, dans la plupart des cas, réduction importante du montant dépensé pour le même produit).

Mais encore une fois, la réalité demeure toute autre...

Finies les longues soirées à chercher le meilleur prix d’une nouveauté musicale en marchant dans le froid hivernal de la métropole avec ses copains, finies les découvertes qui font battre le cœur à toute allure lorsqu’on aperçoit le prix ridicule d’un disque que l’on cherchait depuis longtemps, finies les étagères poussiéreuses qui croupissent sous le poids des CD et des années, finie l’atmosphère unique et irremplaçable, fini le charme et finis les souvenirs. Place à l’uniformité. Place à l’homogénéité.

Aussi bien dire que l’on perd notre humanité... C’est dommage.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

La route des CDs... que de bons souvenirs! Le seul commentaire manquant est comment nous avions tendance à crier "Trop cher!!" lorsque nous allions chez CD'ment ou chez Music World. De plus, est-ce que tu te souviens d'un de nos bons amis qui avait tendance à acheter de façon impulsive des disques qu'il n'aimait pas trop car ils n'étaient pas chers (genre le disque de Starsailor)?

Nicdou a dit...

Hehehe ! Je me souviens très bien :

- Man Roberto, Starsailor, c'est même pas bon ça...
- T'es fou ! C'est super clé et en plus le disque est à 3 $ dans le rack.
- (En courant à toute vitesse vers le rack) Oh shit ! Y'en as-tu un autre à vendre ?!

Fidèle à ses racines de surconsommateur... ;-)

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