2008-07-19

La crise d’identité : une question d’orchestre symphonique et d’unité nationale


Une fois l’an, l’orchestre symphonique de New Haven (NHSO) organise une activité que ceux de Québec et de Montréal auraient intérêt à imiter. À 18h00 samedi dernier, tout le monde était encouragé à se déplacer sur le Green du centre-ville (un parc situé au centre du quartier principal) pour regarder et écouter l’orchestre symphonique de la ville en plein air. Non seulement cette activité permet-elle de faire découvrir un événement culturel habituellement considéré élitiste (une soirée symphonique), mais elle rapproche les gens de plusieurs classes sociales dans un endroit peu propice à ce genre de rencontres. Tout ça dans le but de leur faire découvrir les beautés de la musique classique.

Idée encore plus farfelue et géniale : on fait participer les individus qui le veulent bien. À la fin du concert, on encourage les musiciens en herbe à sortir leurs instruments de musique pour jouer trois pièces classiques du répertoire américain avec accompagnement orchestral : The Star Spangled Banner, America the Beautiful et Pomp and Circumstance. Résultat ? Un melting pot total d’unité musicale que les Américains aiment bien analyser patriotiquement :

"This melting pot of cultures, which creates an extraordinary and unique dynamism of people from all over the world, makes up America. But what is even more extraordinary is these divergent cultures also create a unity - a vision of a future that connects them in a way that is not possible within their 'old' countries. Their optimistic striving for a better life and a better world leaves no room for the cynicism of old, only an idealism of what can be. The composers represented in this program capture this spirit of America." (William Boughton, directeur musical du NHSO)

Nonobstant l’exagération patriotique d’un propos qui frise l’arrogance, on salue néanmoins l’initiative. En effet, les Américains qui se sont permis de jouer de leur instrument de musique samedi dernier ne débarquaient évidemment pas tous du bateau et/ou ne provenaient pas tous d’un ‘vieux’ pays totalitaire en quête d’idéaux ! Connaissant désormais un peu plus la ville, la plupart étaient probablement justement blancs ou noirs, vieux ou jeunes, liés de près ou de loin à la communauté de Yale et Américains depuis plusieurs générations.

Or, malgré les propos teintés d’exagération de Boughton, cette idée d’Unité Nationale (avec majuscules) demeure malgré tout très ancrée chez les Américains, et elle s’avère habituellement bien réelle. Ici, qu'on vienne de l’Argentine, des Philippines ou de la Chine, on est avant tout Américain. D’ailleurs, on immigre bien souvent ici dans ce but précis : devenir Américain.

On ne peut pas en dire autant du Canada...

Vous savez qu’aux États-Unis il est mal vu de demander les origines ethniques de quelqu’un ? Pourquoi ? Parce que lorsque vous posez cette question, on suppose automatiquement que vous appliquez une hiérarchie dans ce que vous considérez être « Américain ». Ici, à quelques exceptions près, les immigrants ne diront jamais qu’ils sont Indiens, Sri Lankais, Chinois, Thaïlandais ou Mexicains. Ils se caractériseront comme Américains et ils le diront fièrement, haut et fort.

Encore une fois, on ne peut pas en dire autant du Canada...

Au Canada, on aime bien dire qu’on est X, Y ou Z avant de se caractériser comme Canadien et/ou Québécois. Ironiquement, on immigre bien souvent au pays avec l’idée qu’il s’agit de la « petite Amérique » (Little America). Ce qui est comique dans tout ça, c’est que ce manque d’unité nationale vaut aussi pour les Québécois de souche (non je n’arrêterai pas d’utiliser cette expression !), car au Québec, qu’on soit fédéraliste ou souverainiste, on se considérera bien souvent comme Québécois avant de se considérer Canadien. C’est une différente perception des choses qui cache malheureusement un manque flagrant de patriotisme et d’unité nationale canadienne. Défaut ou qualité ? Ça dépend du point de vue :

« (...) Canadians don't want to be the "melting pot" that the US boasts – where you're an American first and a Nigerian or a Burmese or a Latvian second. They believe – or the "multiculturalists" believe – that Canadians should be encouraged to keep their own languages and traditions and religions intact. You can be a Syrian-Canadian Muslim and speak your own language and read your own Arabic language newspaper or watch Arabic movies but still enjoy and support the freedoms of Canada under the maple leaf flag.

I like this idea – or rather, I think I do. If it works. It's too soon to say and no one can admit it won't work because, if they do, someone's going to start figuring out which ethnic, religious or national group is going to be among the first invitees to climb aboard the wooden boat back to their country of origin. And that would be the end of Canada. In some ways, this allows Canadians to define themselves in the negative. They are not Americans. Canada is not aggressive. It pours money into NGOs and refugee camps and education for newly arrived immigrants. »
(Robert Fisk: A lesson from across the Atlantic, The Independent, 12 juillet 2008)

Constat ? Au Canada, on a l’unité nationale alors qu’aux États-Unis, ils ont l’Unité Nationale. Résultat ? Au Canada et au Québec, on doit se préoccuper « d’accomodements raisonnables » alors qu’aux États-Unis, tout le monde comprend qu’on devient Américain avant tout.

Bien honnêtement, je ne sais plus trop quoi en penser...

2 commentaires:

Léonard Langlois a dit...

Tu devrais lire Selling Illusions de Neil Bissoondath, super critique du multiculturalisme et de ses dérapages.
En effet, ça s'applique à tout le monde au Canada. On sous-entend souvent l'origine ethnique quand on pose une question du genre "d'où viens-tu?", où voulant dire normalement le lieu (Montréal, Québec, Toronto, etc.), en s'attendant que la personne nous dise du Vietnam, de la Chine, et ce même si cette personne est née ici. C'est un non-sens. Il est libre à chacun de garder sa culture et sa langue s'il le désire, mais le gouvernement ne devrait pas financer la promotion du multiculturalisme pour autant. C'est une décision personnelle si on décide de garder un peu de la culture de ses ancêtres, mais en aucun cas cela ne devrait primer sur l'unité nationale.

Nicdou a dit...

Merci beaucoup de la suggestion. J'en prends bien note puisqu'il s'agit d'un sujet qui m'intéresse particulièrement.

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