2010-02-17

La langue française est en déclin. Et alors ?


Demander aux gens de Vancouver de parler français, c'est exactement comme demander aux gens de Chicoutimi de parler portugais. C'est complètement irréaliste et absolument ridicule de l'exiger. Le Canada a eu l'air d'un pays unilingue anglophone devant le reste du monde à la cérémonie des Jeux Olympiques ? Pas besoin des JO pour constater ça ! Il y a longtemps que j'ai arrêté de compter les rencontres avec des étrangers surpris de constater qu'on parle français au Canada... Protéger le français en Amérique, le Québec a eu deux chances pour le faire et il a dit non à deux reprises. C'est trop tard pour chialer maintenant. On ne peut pas demander aux anglos de protéger une langue qui n'est pas la leur.

La protection du français en Amérique passe par le Québec, et non par le Canada. Exiger un service en français à l'extérieur des frontières québécoises dans un endroit où il n'est pas parlé relève d'une pure utopie et d'une vision traditionaliste passéiste, tant au niveau du bilinguisme canadien que de celui du comité olympique. Autant un anglophone n'a pas à se faire servir en anglais à Chicoutimi, autant un francophone n'a pas à se faire servir en français à Vancouver. Là est l'essence du propos.

Dans la Presse d'hier matin, Lise Bissonnette se scandalise et grimpe dans les grands rideaux de la bibliothèque nationale :

"Le français, qui fut "la" langue des Jeux il y a un siècle, est devenu une langue de cérémonie, une étiquette à laquelle on continue à déférer dans les occasions d'élégance, tandis qu'à l'usage il n'est plus qu'une langue seconde ou tierce, au mieux."

Hé ben ma chère Lise, comme dirait l'autre : "Tough Luck!" C'est la vie. Si le français a perdu ses notes de noblesse au niveau international, ce n'est pas parce qu'on ne "force pas assez son usage", c'est tout simplement parce qu'il ne s'impose plus naturellement dans plusieurs situations. C'est tout.

Pardonnez-moi l'analogie biologique, mais les langues, comme les espèces, évoluent, se dynamisent, changent et meurent. C'est la sélection linguistique naturelle. Toutes les langues passent par là et il faut arrêter d'être ultra émotif à cet effet. Par analogie, refuser cette évolution voudrait dire qu'on devrait se désoler qu'il existe une particularité québécoise au français de France ! On peut bien être bouleversé par le fait que le latin soit mort avec les Romains, que le cantonais ne soit parlé qu'à Hong Kong ou que l'espagnol soit en train de détrôner l'anglais aux États-Unis, mais il s'agit d'un processus naturel qui change avec le temps et avec la réalité géopolitique de tous les peuples. Comme pour toutes les langues actuelles, la disparition du français tel qu'on le connaît aujourd'hui (tant linguistiquement que géographiquement) n'est qu'une question de temps. Un point c'est tout.

Le français a déjà été la langue du territoire nord-américain, elle ne l'est plus. Le français a déjà été la langue de la monarchie, elle ne l'est plus (en fait, la monarchie n'est pratiquement plus non plus...). Le français a déjà été la langue officielle des Jeux Olympiques, elle ne l'est plus. Soyons honnêtes ici : on peut bien s'acharner à vouloir forcer l'adoption de la loi "Pierre De Coubertin" au comité olympique, mais ça revient à se mettre des œillères et à refuser de voir la réalité contemporaine en plein face. Le français n'est plus parlé aux Olympiques tout simplement parce que depuis leur renaissance, les JO ont pris une dimension internationale que seul l'anglais peut combler en tant que nouvelle lingua franca (jusqu'à ce qu'il soit détrôné par le mandarin dans quelques décennies).

Cela n'empêche pas le français de faire des avancées majeures dans d'autres sphères. En outre, au détriment de l'anglais, la place de la langue de Molière au Québec, tant dans l'affichage que dans le monde des affaires, est d'autant plus enviable aujourd'hui qu'elle ne l'était dans la première moitié du 20e siècle. Et cela malgré le discours alarmiste que tiennent les intégristes de la loi 101 !

De toute manière, forcer l'apprentissage et/ou l'utilisation d'une langue de manière artificielle, c'est la recette parfaite pour l'anéantir et se faire des ennemis... Suffit de voir l'opinion que les Estoniens ont du russe, celle qu'ont les Finlandais du suédois ou encore celle des Catalans par rapport à l'espagnol ! Combien d'Anglo-Canadiens auraient appris le français par pur plaisir s'ils n'avaient pas été a priori dégoûtés par l'obligation du bilinguisme à la Trudeau ou celle du spectre de l'indépendance du Québec ? Les révisionnistes s'en donneront à cœur joie.

Je partage l'avis de ceux qui trouvent que le comité olympique s'en fait des accroires et qu'on réussit à passer un méchant sapin aux francophones du Canada à Vancouver. Le problème, c'est que les francophones demeurent hyper crédules et pensent encore naïvement que le français est une langue olympique active, au même titre qu'elle est une langue canadienne active... Ce n'est plus le cas. "Welcome to the real world, Neo."

Sur ce, deux autres textes absolument essentiels :

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