2008-02-29

Leap Day Scheiße


1- Il fallait bien écrire un petit billet en ce jour si rare...

2- Découvrez les merveilles de la typographie (proposé par Dominic Arpin).

3- Si vous ne l'avez pas encore vu, il faut absolument regarder Achmed. J’en pleurais tellement que c’est pissant... Surtout les 4-5 premières minutes. I kill you!

2008-02-28

J'ai dit non ! C'est tu assez clair ?!

Lorsqu’on déménage aux États-Unis, faire activer son Internet, son électricité, son téléphone et obtenir son numéro d’assurance sociale vous met face à toute une expérience. Non seulement on ne comprend pas votre situation puisque vous n’entrez pas dans la catégorie des gens normaux, mais en plus on vous impose des conditions ridicules en raison du fait que vous n’avez pas d’historique de crédit aux États-Unis. On a beau être Canadien et avoir un historique de crédit béton avec les compagnies de crédit d’origine américaine comme Visa ou American Express (non mais !), ici on ne vous considère rien de moins qu’un moins que rien. Un adolescent américain de 15 ans qui se présente avec des anneaux dans le nez en fumant du pot inspire davantage confiance que vous. Littéralement.

En plus, « ô ‘stâ » (avec la bonne prononciation grasse), le Social Security Number (SSN), c’est le mot de passe pour tout, la clé universelle, le mot d’ordre sans lequel il n’y a point de salut. Un numéro essentiel à la survie.

Vous voulez de la lumière chez vous ? Quel est votre SSN ? Vous voulez appeler des amis ? Quel est votre SSN ? Vous voulez un téléphone cellulaire ? Quel est votre SSN ? Vous voulez signer un bail ? Quel est votre SSN ? On a beau leur expliquer qu’on pas encore notre SSN, qu’il faut attendre deux semaines après avoir passé la frontière pour demander le SSN en question et qu’il y a un délai de trois semaines avant de recevoir le putain de SSN ! Point de salut, on ne veut rien savoir. Et même quand on le reçoit, on nous exige la totale :

- Vous voulez un cellulaire pour vous et votre copine ? Pas de problème. Quel est votre SSN ?

- Ahh haaaa ! (comme dans l’annonce). Je l’ai, le voici.

- Oh, mais vous venez d'ailleurs. C’est d’accord, mais vous allez devoir payer 400 $ de plus par téléphone à titre de sécurité de crédit.

- Whaaat ?!

- Oh, vous désirez une ligne téléphonique normale à la maison en plus ? Pas de problème, mais vous n’avez droit à aucun interurbain pour les six premiers mois, le temps de bâtir votre historique de crédit.

- Mais il est parfait mon historique de crédit ! Vérifiez vous-même auprès de Visa et American Express...

- Désolé monsieur, nous ne tenons pas compte du crédit des cartes canadiennes.

- Ah ben ta ! Je gage que si je vous paye avec mes cartes canadiennes, là par exemple vous allez quand même l'accepter mon crédit canadien, n’est-ce pas ?!

- Bien sûr monsieur.

- C’est bien ce que je pensais. Dès que ça fait votre affaire...

Et quand on vous octroie finalement ladite ligne téléphonique, laissez-moi vous dire qu’on l’exploite en s’il-vous-plaît. Vous pensez subir les affres du télémarketing par téléphone au Québec ? Venez faire un tour ici pour voir. Assurances auto, bobo, santé, invalidité, câblo-distribution, compagnie de tapis, laveurs de tapis, banques, œuvres de charité, police (oui oui, même la police veut de l’argent !), lavomat, CD, DVD et j’en passe. Au début, vous vous en arrachez les cheveux. Si vous ne recevez pas dix nouveaux coups de fil de cochonneries par jour, vous n’en recevez pas un seul. Je n’exagère même pas. Un par heure. Au moins.

Jusqu’à ce qu’on fasse une petite recherche sur internet et qu’on découvre un lien bien gardé des compagnies de télémarketing : le National Do Not Call Registry. C’est tu assez clair merci ! Un registre fédéral qui retire votre numéro de téléphone de leur liste, rendant tout appel commercial à la maison illégal.

À un moment donné, en dépit du fait qu’ils soient adeptes du commerce à l'infini et de la concurrence à tout prix, même les Américains en ont eu marre. Assez, c'est assez !

Un modèle à suivre.

2008-02-25

À quoi bon un lendemain si j'en vois même pas le fond ?

La preuve que les maîtres Loco Locass règnent encore et toujours sur le hip hop québécois : lien. Incroyable.

2008-02-24

Sociologue du dimanche

Il y a des peuples qui ont de la misère à sortir de chez eux. Pas dans le sens d’aller chercher une peinte de lait au dépanneur ou d’assister à un spectacle le vendredi soir, mais bien dans le sens d’aller vivre ailleurs que dans leur environnement immédiat, dans leur province, dans leur état. Souvent limités par la barrière de la langue, les Québécois sont comme ça. Compréhensible, me direz-vous ? Peut-être. Y'a même des Montréalais qui ne sont jamais sortis de leur ville, mais ça c'est une autre histoire...

Ironiquement, si on les compare aux Américains, les Canadiens anglais sont également comme ça. Ce n’est pas une affirmation coulée dans le béton, mais disons que je parle en me fiant à mon domaine et à mon expérience personnelle face aux Canadiens et aux Américains que je côtoie quotidiennement ou que j’ai côtoyé dans le passé.

Les chimistes américains naissent et grandissent dans un état V, vont à l’université dans un état W, font leurs études supérieures dans un état X, un postdoctorat dans un état Y et obtiennent un poste dans un état Z. Et ça, c’est dans le monde idéal où ils ne changent pas deux ou trois fois d’emplois durant leur carrière, postes qu’ils trouveront invariablement dans les états A, B et C. Ainsi, les Américains sortent très peu de leur pays, mais ils ont la bougeotte à l’intérieur de leurs propres frontières. Conséquemment, ils se connaissent très bien, tant géographiquement que socialement.

Ce que je vous dis là, ce n’est pas l’exception. En fait, c’est même pratiquement la norme. À l’inverse, bien que de tels Canadiens existent assurément, il est plutôt rare d’en rencontrer qui viennent de la Nouvelle-Écosse, qui ont fait leurs études de premier cycle au Québec, leur doctorat en Alberta, leur postdoctorat au Manitoba et qui travaillent désormais à Terre-Neuve. Rare comme de la merde de pape.

Il m’apparaît possible que la différence entre le nomade américain et le sédentaire canadien soit à la fois liée à la vivacité économique des États-Unis, à leur importante population ainsi qu’à la diversité géographique du pays. Une plus grande population signifie indubitablement la multiplication des centres urbains d’importance. Bien évidemment, des villes comme New York, Los Angeles et Chicago sont-elles nécessairement plus populeuses que n’importe quelle grande ville canadienne, mais on retrouve également aux États-Unis beaucoup plus de compagnies technologiques majeures dans de plus petits centres urbains tels San Diego, San Francisco, Seattle, Baltimore, Washington, Philadelphie et Boston (qui sont des villes moins populeuses ou à tout le moins comparables aux trois régions métropolitaines de Toronto, Montréal et Vancouver). Pourquoi des villes comme Winnipeg, Halifax, Calgary, Edmonton ou Québec ― qui sont tout aussi grosses que bien des villes américaines d'importance ― n’ont-elles pas le même statut international ? Curieux... Enfin, tout ça c’est un autre débat.

Loin de moi l’idée de jouer au sociologue du dimanche (trop tard !), mais je serais curieux de savoir si de telles différences de comportement sociaux entre les Canadiens anglais et les Américains sont également liées à d’autres facteurs, notamment le sentiment d’appartenance et/ou les valeurs de chacun des ces deux peuples anglophones géographiquement contigus. Bien qu’il soit difficile pour un Québécois francophone de distinguer les valeurs canadiennes des valeurs américaines ― au même titre qu’il est difficile de distinguer les valeurs mexicaines des valeurs salvadoriennes ou colombiennes ―, les Canadiens anglais sont les premiers à se dissocier des américains en clamant leur distinction.

Il y a définitivement quelque chose derrière cela. Réflexion à suivre.

2008-02-20

Apparemment, non.


On se dit toujours que c’est loin de nous, que c’est pratiquement irréel de même y penser. Après tout, c’est la minorité, n’est-ce pas ? On regarde Sicko de Michael Moore, on apprend que des millions d’Américains n’ont aucun régime d’assurance santé et on ne se rend pas vraiment compte de ce que cela peut signifier. Je ne parle pas nécessairement de la « signification » au niveau du choix de société qu’ont fait les Américains, mais bien de l’impact individuel de ce choix en tant que personne humaine, en tant que petit bonhomme dans son soi-même.

Après tout, au Canada, la question ne se pose même pas. En fait, arrêtez-vous deux secondes et pensez-y, car je suis persuadé que vous ne l’avez jamais vraiment fait sérieusement.

Si vous êtes comme moi (environ 30 ans) et que vous avez été élevé au Québec ou dans le reste du Canada, vous avez grandi avec l’assurance maladie. C’est tellement évident. On a un petit problème de santé, on passe à l’hôpital, on apporte sa carte soleil. C’est tout. Mais imaginez-vous deux secondes qu’on vous l’enlève. Si vous avez été plus ou moins chanceux au niveau de votre santé, vous ne vous êtes probablement jamais rendu compte du luxe que pouvait vous procurer ce petit bout de plastique qui fait tchi-ke-tchik à l’hôpital. Hé bien quand on vit ailleurs, on s'en rend compte. Et c'est pas long.

Quand on vit ailleurs, on se remémore assez vite que toute personne intelligente, éduquée et/ou ouverte d’esprit se dira que s’il y a quelque chose qui ne va pas avec son prochain, c’est de notre devoir de l’aider. Au même titre que c’est de son devoir de nous rendre la pareille si c’est nous qui sommes dans le pétrin, n’est-ce pas ? C'est la prémisse des systèmes de santé universels. Justement, ne devraient-ils pas être universels ? Dans le sens de... partout ?

Apparemment, non.

Mon propriétaire est architecte et habite au premier étage de notre demeure, une belle grande maison de style colonial de la Nouvelle-Angleterre. C’est pas mal beau et nous en profitons bien. En plus de faire construire des manoirs de riches dont il me montre parfois les photos, il aime également beaucoup me répéter l’anecdote qui suit (il commence à être vieux et il radote un peu...).

Il y a quelques années, dans le cadre d’un voyage d’affaire dans la région de Toronto, il a remarqué que les demeures de ses riches clients canadiens étaient beaucoup plus modestes que celles qu’il faisait construire pour ses clients américains de la même « classe sociale ». Autrement dit, à profession égale, le Canadien est pas mal moins riche que l’Américain. Y’a rien de nouveau là-dedans, c’est archi connu.

Or lui, il a de la misère à comprendre ça. Il ne voit pas où ça cloche. Clairement, c’est un choix de société. On paye beaucoup d’impôts pour avoir droit au bout de plastique qui fait tchi-ke-tchik à l’hôpital, ou encore on n’en paye pratiquement pas et on n’a pas droit au bout de plastique qui fait tchi-ke-tchik. C’est plate pour les Canadiens, mais ça paraît sur le train de vie.

Ce qui m’amène à l’autre anecdote. Celle où j’ai justement pris conscience que ça pouvait avoir un impact de payer plus d'impôts. Surtout pour le tchi-ke-tchik.

Un de mes collègues de travail vient du Michigan. Mais alors là si vous pensez que vous venez du nord en ayant grandi au Québec, regardez vos cartes comme il faut. Le bonhomme vient de Calumet, Michigan. Dans la haute péninsule (voir ici). Du genre que si le lac Supérieur n’existait pas, le gars serait plus Canadien que vous et moi. Du genre même que la majorité de la population canadienne vit au sud d’où il a grandi. Genre.

Mais Calumet, c’est malgré tout au sud de la frontière canadienne, dans ce grand pays composé de plusieurs états qui sont unis et qui ne se sont jamais donné d’autre nom officiel que ça, les États-Unis. Petite ville d’ouvriers comme on en retrouve plein en Amérique du Nord, Calumet est éloignée des grands centres, pauvre, avec une jeunesse un peu désabusée et une population décroissante au rythme des années qui passent. Et surtout, frontière oblige, les habitants n’ont pas de bout de plastique qui fait tchi-ke-tchik.

Heureusement, mon collègue a une tête sur les épaules et il est bien maintenant : il fait son doctorat en chimie à Yale et, comme tous les étudiants et employés de l’université, il est couvert par l’assurance maladie privée de l'université. Celle qui coûte 310 $ US par mois et qui est (heureusement !) payée par les fonds de recherche du patron. Ainsi, dans une discussion banale où nous parlions de ce plan d’assurance santé, il m’a mentionné que tout ça c’était du nouveau pour lui.

Du nouveau. La possibilité d’aller cher le médecin et de se faire soigner. Humm...

- Wo minute... T’as jamais été couvert par une assurance maladie avant maintenant ?

- Non. D’où je viens, nous étions pauvres et nous n’avions pas les moyens de se payer ça. D'ailleurs, mes parents sont encore comme ça.

- Mais tes parents, ils travaillaient bien dans une compagnie, oui ?

- Oui.

- N’ont-ils pas une assurance privée d’incluse ?

- Non, peu de compagnies offrent ça aux États-Unis.

- (Air subjugué) Mais... C’est... Un droit fondamental... Essentiel... Universel... Non ?

- Apparemment, non.

- T’as déjà vu Sicko de Michael Moore ? C’est exagéré, mais ça donne une bonne idée.

- Non, je n’ai vu aucun film de Michael Moore.

- (Air subjugué) Mais... Il vient du Michigan lui aussi !

- Oui, je sais, de Flint. J’ai juste l’impression que ça me rendrait encore plus fâché envers mon système politique de voir ses films.

- (Air subjugué) Donc toi, ton assurance santé, c’était de ne pas tomber malade ?!

- C’est à peu près ça, j’ai été chanceux. Et quand tu tombes malade, je peux te dire que tu y penses à deux fois avant d’aller chez le médecin parce que c’est cher en titi. Si tu savais comme j’aurais voulu avoir un système de santé universel dans ma jeunesse…

Ça ne m’est pas souvent arrivé dans ma vie, mais laissez-moi vous dire que lorsque ce genre de discussion vous tombe dessus pour la première fois en personne, en chair et en os, la fierté d’être Canadien vous rentre dedans comme un truck de 2 par 4.

Aussi bien en profiter pendant que ça passe.

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Jetez un coup d'oeil ici pour avoir une idée des pays qui ont un système de santé universel sur la planète. Ironiquement, remarquez comme les zones rouges sont comiques. Je vous laisse deviner pourquoi.

2008-02-18

Oh, et puis, tant qu’à être dans la même veine...

À propos de ce papier (lien), à quand les intégristes de la langue française qui s’outragent du fait que les décorations de plusieurs restaurants chinois de Montréal ne sont écrites qu’en mandarin ? Ou encore que certains restaurants salvadoriens de la rue Saint-Zotique font jouer leur télévision uniquement en espagnol aux clients qui y mangent ?

On va commencer à penser que vous avez un faible pour les anglos... D’ailleurs, comme ils le diraient si bien, get a life!

Et pour revenir aux propos de Trudeau fils (lien), bon petit texte de Stéphane Laporte sur le même sujet ici, et discussion intelligente chez Renart Léveillé ici. Extrait : « C'est sûr que pour lui, c'est facile de dire ça. It's easy to say ça. Son père était un francophone et sa mère était une anglophone. Il n'a jamais eu à faire d'efforts pour devenir bilingue. Dès le berceau, il entendait papa dire: Finies les folies! et mommy dire: I can't get no satisfaction! Les deux langues officielles du plus beautiful pays au monde se téléchargeaient en lui comme par magie. Tout le monde n'a pas cette chance. Pauline Marois n'a pas eu Pierre Elliott et Margaret Trudeau comme parents. Ça paraît. It's fesse! »

"Une seule langue suffit: la sienne, surtout si elle est française." Whaaat?!?!

Mis à part le fait que nous soyons terriblement las de l’interminable débat linguistique qui fait encore rage ces jours-ci au Québec, je me désole grandement du fait qu’il existe chez certains intellectuels québécois une paranoïa de la langue qui pue la xénophobie. Sans être clairement révélée, cette idée demeure néanmoins tacite dans leurs propos, forgeant un préjugé similaire à celui qu'ont certains journalistes anglophones de la ville reine envers les Québécois lorsqu’ils abordent la question de l’unité nationale.

Autant certains individus eurent-ils tôt fait d’étaler leur intolérance crue et immonde lors des audiences de la commission Bouchard-Taylor de l’automne dernier, autant je m’attriste de constater que la vision supposément politiquement correcte du mépris des anglophones soit si légèrement et pudiquement publiée dans les pages du Devoir :

―Début de la citation―

Le bilinguisme, ce thème empoisonné (lien original)

Hubert Larocque, Gatineau, le 14 février 2008

Il faut procéder à quelques distinctions utiles. L'anglais est une langue d'utilité qui assure dans le monde une communication minimale. L'anglais est aussi une langue de nécessité quand on occupe certains emplois.

Si le Québec était un pays francophone, la langue de travail y serait le français, sauf pour des emplois désignés aux communications avec l'extérieur. L'État en établirait la liste et la surveillerait de près.

L'anglais est aussi une langue de culture, mais très peu de gens accèdent à cette dimension. Sur ce plan, l'anglais entre en rivalité avec d'autres langues qui peuvent l'emporter sur elle. Si les États-Unis disparaissaient de la planète, il ne manquerait rien d'essentiel à l'histoire du monde. La culture occidentale a connu des expressions bien plus élevées et bien plus complètes.

Enfin, l'anglais est au coeur d'une pathologie de colonisé qui traverse et corrompt les discours qu'on tient sur elle. Atteinte dans ce complexe québécois, Pauline Marois a senti comme étant intolérable le soupçon de ne pas savoir assez l'anglais. Depuis, elle s'exerce à le faire oublier en s'attardant au bilinguisme. Une seule langue suffit: la sienne, surtout si elle est française. La traduction pourvoit au reste.

―Fin de la citation―

―Début de l’ironie ―

Procédons à quelques distinctions utiles. L’intégriste linguistique francophone est persuadé de la supériorité du français sur toutes les autres langues, et plus particulièrement sur l’anglais, qu’il a appris à vilipender de manière si joliment distinguée à travers les siècles. Si le Québec était un pays sous sa gouvernance, nous aurions tôt fait de se soumettre à sa vision de sagesse francophone absolue, qui elle seule permet réellement d’accéder aux dimensions intellectuelles de la Culture. Seul le français possède des termes si précis, si distingués, si justes pour exprimer une idée. C’est un fait, n’est-ce pas ? Choyés sont ceux qui comprennent ce dialecte divin, qui lui seul facilite l’atteindre du nirvana intellectuel... La Torah francophone à son meilleur, rien de moins !

―Fin de l’ironie ―

2008-02-17

Laissons-les finalement vivre (ou reposer) en paix…

Ne me demandez pas comment il est possible de faire cela à partir du Connecticut, mais je viens tout juste de terminer de regarder le phénomène de l’hiver 2008 au Québec : la télésérie sur les Lavigueur. En plus de nous replonger dans le monde irréel de cette pauvre famille millionnaire des années 1980, cette minisérie bien ficelée parvient à nous démontrer avec grande efficacité des choses que nous connaissons malgré tout très bien, à savoir que les trucs les plus importants de notre petite existence humaine n’ont rien à voir avec l’argent.

Mis à part la rectification de certains faits historiques, de l’incroyable qualité du jeu, de la réalisation, de l’extraordinaire scène finale et de la foudroyante découverte du potentiel dramatique de Pierre Verville ― que l’on connaissait jusqu’à présent en tant qu’imitateur, animateur et humoriste sans grand intérêt ―, je ne peux m’empêcher de rester légèrement sur mon appétit quant contenu réel de ces six épisodes télévisuels.

En effet, malgré son titre révélateur, la minisérie ne nous en dit finalement que très peu sur les événements qui ont suivi la supposée descente en enfer des Lavigueur, préférant préserver le côté artistique d’une adaptation dramatique plutôt que de nous dresser le portrait documentaire de ce qui s'est réellement passé par la suite. Sur ce, à l’exception de quelques minuscules capsules biographiques à la fin du dernier épisode, aucune information à propos du dénouement de cette saga ne nous aura été révélée. On aura donc choisi de nous présenter exclusivement les événements entre 1986 et 1990.

Pourtant, suis-je le seul à voir le potentiel dramatique de cette série à la lumière de ce qui s’est justement passé par la suite ? À part le fait qu’ils soient respectivement morts en 1996, 2000 et 2004, suis-je le seul à vouloir savoir ce qui est arrivé à mononcle Souris, Jean-Guy et Michel ? Suis-je le seul à vouloir savoir ce que font aujourd’hui Yve et Sylvie ? Et surtout, suis-je le seul à vouloir des réponses quant à leur fortune ? Est-ce que tout ce beau monde a réellement tout perdu par la suite, ou leur supposé retour à la pauvreté n’était-il encore qu’une machination journalistique créée de toute pièce ?

Peut-être que Yve Lavigueur n’a pas voulu insister sur le côté négatif de ce qui a suivi, ou peut-être en a-t-on une meilleure explication dans son livre. Qui sait ? En revanche, une chose demeure certaine : dans le monde contemporain où la télé-réalité règne sur le paysage télévisuel nord-américain, mes attentes étaient probablement à la hauteur de cette soif de détails croustillants, bêtes et malsains dont la critique est justement à la base du message à retenir de cette histoire. Ironiquement, peut-être s’agit-il du dénouement parfait de cette saga rocambolesque : à force d’avoir détruit la vie de ces gens ordinaires qui n’ont jamais demandé autant d'attention, la télésérie aura peut-être réussi à rétablir une partie de leur crédibilité et à conserver une tranche du mystère de leur vie privée.

Laissons-les finalement vivre (ou reposer) en paix...

2008-02-13

La paresse, ne serait-ce pas de se laisser porter par la réputation de son père ?

La première fois, on aurait cru que les journalistes faisaient du zèle. Après tout, ça ne serait pas nouveau, n’est-ce pas ? Par exemple, la déclaration officielle aurait pu stipuler que « de jeunes garçons de 13 à 15 ans bourrés d’hormones sont déconcentrés par la vue de jolies jeunes femmes légèrement vêtues qui s’entraînent au YMCA de l’autre côté de la rue, réduisant ainsi considérablement leur attention et leur performance scolaire ». Les journalistes auraient quand même trouvé le moyen de dire « des Juifs de Montréal veulent faire teinter les vitres du YMCA sous prétexte que leur religion est bafouée ». Vous voyez le genre ? Exemple fictif, on s’entend.

La deuxième fois, on aurait littéralement pensé que les journalistes s’acharnaient sur le cas. Non mais quand même ! Serions-nous face à un deuxième cas Lavigueur ? Serait-ce possible que l’on s’évertue à consacrer du temps d’antenne à des gens qui n’en méritent pas tant que ça ? Serait-ce possible que quelqu’un se ridiculise autant ? Franchement, ça me semblait un peu exagéré.

Mais alors là, la troisième fois, le doute était levé. Indubitablement et définitivement, les journalistes n’avaient rien à voir là-dedans : Justin Trudeau a vraiment le don de se mettre les pieds dans les plats et d’agir comme un con. Qu’il ne reconnaisse pas la nation québécoise malgré les motions de Québec et d’Ottawa à ce sujet, rien de trop surprenant. C’est la génétique arrogante du clan Trudeau. Qu’il se lance dans une croisade pour l’abolition des systèmes d’éducation francophone et anglophone tout en conservant ce mépris profond pour le peuple de son pays, ça me semblait être une manière un peu draconienne de se distancier des actions de son père au niveau du bilinguisme canadien. Mais alors là, c’est définitivement le comble : Justin Trudeau affirme que les gens qui n’apprennent pas une autre langue que leur langue maternelle sont paresseux, rien de moins :

« De s’asseoir et d’attendre à ce que les autres apprennent votre langue n’est pas seulement paresseux, mais en fait vous vous tirez dans le pied, puisque vous mettez en péril votre habilité de communiquer avec le reste du monde. » (voir ici)

Au début, nous aurions cru que son arrivée en politique était une stratégie libérale bien orchestrée pour contrer l'option souverainiste, une image si bien véhiculée par son père et qui plaît tant au ROC (Rest of Canada). Une belle petite image dans le genre : « Vous n’avez pas eu assez de couilles pour vous créer votre pays ? Vous allez donc en subir les conséquences en m’ayant comme futur premier ministre. »

En revanche, il se met désormais à dos plus tous les unilingues canadiens, soit environ les trois quarts de la population de son pays ! Nous lui laissons donc à nouveau la parole : “In deciding to go into politics, I could either make a difference or fall flat on my face.” (lien)

Well my friend, apparently you are about to choose the latter!

2008-02-10

Les hautes sphères de l’intelligentsia se prononcent encore

L’article de Christine Fortier dans Voir Montréal à propos de la sortie du nouveau disque de Simple Plan est honnête et ce n’est pas pour cette raison que je publie ce post. Ce qui me tue, c’est le commentaire de Charles-Olivier Laplante que l’on retrouve en dessous (voir ici). Une seule phrase à ce sujet : y’en a marre des faux intégristes de la culture ! Le gars, y’en a même pas mal marre. Vous savez, ces gens qui disent que ce n’est pas bon parce que ce n’est pas digne des hautes sphères de la culture ? Que ce n’est pas digne de mention parce que ce n’est pas assez obscur, que c’est trop populaire, que c’est trop mainstream ?

Dites-moi donc, c’est écrit où dans l’histoire du Québec qu’on n’a pas de droit de faire de l’argent ? C’est écrit où que les Québécois qui réussissent internationalement doivent absolument se faire chier sur la tête à tout coup par la critique populaire ? Dans l’histoire de ce peuple francophone d’Amérique, qui a décidé un beau matin qu’il fallait que le Québec conserve son attitude défaitiste et négative face aux nôtres qui réussissent ? Décidément, il semble que ce soit ancré dans nos gènes collectifs. Nous, Québécois, devrions manger notre petit pain de prolétaires à la solde des gros et méchants patrons anglophones et de l’élite cultivée sous peine de trahir nos origines... On se croirait dans une toune des Cowboys Fringants !

Quelques belles expressions tirées de ce commentaire à propos du nouveau disque de Simple Plan : « galette indigeste », « cochonnerie préfabriquée », « gosses de riche de la rive sud », « gros cash sale des compagnies », etc. Primo, au moment d’écrire ce commentaire, le disque n’est même pas encore en magasin. Ainsi, à moins d’avoir téléchargé l’album sur Internet (je doute qu’il s’en soit d’ailleurs donné la peine), le gars parle assurément à travers son chapeau. Secundo, ne devrait-il pas être content que ce soit justement l’un des siens qui, pour une fois, ramasse le « gros cash sale » des compagnies américaines ? Moi je le suis. Et je suis encore plus content quand je tombe sur une télé crachant leur nouveau vidéo dans les allées du Target près de chez moi à New Haven (Target est une grosse chaîne américaine de commerce au détail).

Ça n’a rien à voir avec Simple Plan, ou Céline Dion, ou tout autre artiste québécois dont le succès dépasse les frontières montréalaises. On a droit d’aimer ou de ne pas aimer, là n’est pas la question. Par contre, là où le bât blesse, c’est quand on crache sur ce succès sous prétexte qu’il est rentable et/ou qu’il n’est pas digne de la « Culture » avec un grand « C » (vous savez, celle qui commence souvent pas cul, comme dans je pète plus haut que le trou ?). À cet effet, je me permets de citer Patrick Lagacé, qui se prononce sur l’humour québécois de manière similaire :

« Je sais que c’est de bon ton, dans le commentariat, dans les hautes sphères de l’intelligentsia, de dénigrer l’humour québécois. Surtout l’humour dit « léger », un code pour l’humour qui ne fait pas dans la politique, le sociétal, l’opinion, l’engagé. Comme si l’humour politique, sociétal, opiniâtre, engagé était forcément songé et génial. Comme si l’humour de gars-drôle-qui-observe-le-quotidien était forcément mineur. Je m’excuse, mais l’humour sérieux et engagé peut être mauvais et il l’est souvent. Et l’humour qui se nourrit du quotidien peut être génial. Seinfeld était génial. Larry David frise le génie. Et ces deux-là n’ont rien d’engagé, pourtant, loin de là. »

Dans le même ton : je m’excuse, mais la culture dite de haute société peut être mauvaise et elle l’est souvent. Tout comme la culture dite « légère » peut être bonne et elle l’est souvent. De grâce, sachons faire la différence entre : 1) quelque chose que l’on n’aime pas parce que ce n'est tout simplement pas notre genre et 2) dénigrer gratuitement quelque chose que l’on n’aime pas sur la base de faux arguments qui nous font paraître « cultivé ». Et surtout, soyons fiers de la réussite de notre prochain, particulièrement lorsqu’elle est québécoise.

2008-02-06

L'art d'être subjugué par la simplicité


J’en parle ici pour la première fois, mais assurément pas pour la dernière : je suis de ceux qui sont captivés par les gens qui savent captiver. Le côté brut d’une présentation et l’éloquence d’un être humain face à lui-même, face aux oreilles attentives d’un public me subjuguent. Pas au point de se laisser endoctriner par une quelconque idéologie politique ou religieuse, loin de là. Mais je trouve qu’il existe un trait de génie indéniable chez ces gens qui sont à tel point passionnés par ce qu’ils font qu’ils réussissent à transmettre cet amour uniquement en en discutant. Lorsqu’on a une idée, lorsqu’on sait qu’elle est bonne, lorsqu’on sait la présenter, on peut littéralement changer le monde, peu importe de quoi on parle.

“Once a year…
1000 remarkable people gather in Monterey, California
to exchange something of incalculable value
Their ideas
What happens there has never been shared

…until now

Soyez, vous aussi, subjugués. Voici deux exemples tirés du site de TED, qui en contient littéralement des centaines. Si vous êtes comme moi, vous aurez de la difficulté à vous arrêter…

Larry Lessig – How creativity is strangled by law

James Howard Kunstler – The tragedy of suburbia

2008-02-04

En veux-tu une petite chocolatée ?


Aux États-Unis, puisqu'il n'y a pas d’agenda "séparatissss" associé à la langue française comme c’est le cas au Canada, les Américains ― beaucoup plus que les Canadiens anglais ― aiment bien jouer avec les mots français pour ajouter du piquant à leurs discussions. Ici, à moins d’être en conflit patriotique embrouillé avec la France en ce qui a trait à la guerre en Irak, ça sonne sophistiqué, snobinard et même parfois élitiste d’utiliser des mots français dans la conversation. Malgré tout, les Étatsuniens ont un attachement particulier au peuple français, notamment en raison des importants événements historiques qui les lient. Ils conservent d’ailleurs encore aujourd'hui cette image intellectuelle clichée de la langue française et du peuple Français, image qui demeure néanmoins admirative et la plupart du temps respectueuse.

Sur ce, qu’ils réussissent à en conserver la signification ou qu’ils les dénaturent complètement, les gens d’ici utilisent une quantité importante de mots français dans leur vie de tous les jours, la plupart du temps sans même s’en rendre compte. Résumé, entrepreneur, petite, voilà, rendez-vous, entourage, ensemble, débris, etc. ne sont que quelques exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit. En revanche, leur utilisation de certains mots français ne donne pas nécessairement toujours lieu au succès attendu (du moins, pas du point de vue d’un francophone qui les lit !). Vous en avez d’ailleurs un bel exemple dans la figure qui se trouve ci-haut. En ‘anglais’, « Petite brownie bites » se traduit assez bien par « Petites bouchées de brownies ». Par contre, je ne suis pas certain que les Américains soient au courant de la signification du mot ‘bites’ prononcé à la française ! Disons simplement que c’est assez comique de se faire traiter de ‘petite quéquette’ à chaque fois que l’on ouvre un emballage de petits gâteaux ! Et je vous épargne les détails des caractéristiques : « Every bite is just right » ! C’était ma contribution intellectuelle de la journée...

2008-02-03

À une heure de New York...

À une heure de New York, y'en a pas de neige. Pas un centimètre au sol, que de la terre. Alors que le Québec entier est plongé dans une année record en ce qui a trait aux précipitations hivernales et que les tempêtes de neiges se bousculent les unes après les autres, ici on se contente de paysages automnaux et de températures oscillant entre 5 et 10 degrés Celsius. Apparemment, c'est normal. C'est aussi beaucoup plus agréable au niveau de l'entretien de la voiture, mais c'est franchement moins beau que les paysages de notre enfance. Ainsi, lorsque vous contemplez les arbres blancs et que vous admirez les vastes étendues enneigées par la fenêtre de votre salon, nous on observe les magnifiques terre-pleins détrempés de boue et les stationnements de banque inondés suite à l’orage de vache qui pisse. Vous pelletez peut-être, mais réconfortez-vous au moins à la vue ces images mentales.

2008-02-02

La colle qui nous tient ensemble

Caché derrière le prétexte des Lavigueur, excellent petit texte de Nathalie Petrowski à propos de l'identité québécoise. Je le reproduis en entier pusiqu'il n'est plus disponible en ligne...

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Les Lavigueur et le ROC
Nathalie Petrowski
La Presse, le samedi 26 janvier 2008

Jian Ghomeshi est la Christiane Charette de la radio publique anglaise. Canadien d'origine iranienne, né à Londres mais élevé à Toronto, cet ex-musicien est aujourd'hui l'animateur de Q, une quotidienne culturelle à la première chaîne de la CBC. Quarante ans, cultivé, lettré, diplômé, la culture, il connaît ça. Surtout la culture américaine. La culture canadienne aussi. Jian est en effet un ardent défenseur du contenu canadien et trouve que la culture canadienne n'est pas assez célébrée. Quant à la culture québécoise, well...

Coup de téléphone de son recherchiste. Jian veut faire une entrevue pour comprendre le phénomène des Lavigueur. J'accepte. Je suis habituée. Tous les six mois, je reçois un appel d'un éminent représentant du ROC (rest of Canada) qui cherche à comprendre un quelconque phénomène culturel typiquement québécois et à en informer le reste des Canadiens.

J'écris Canadiens, mais en réalité, je devrais écrire terriens dans la mesure où chaque fois que nos compatriotes braquent leur regard sur nous, ils ne nous voient pas comme des semblables légèrement distincts. Ils nous voient comme des martiens. Jian Ghomeshi ne fait pas exception.

Première question: «Comment se fait-il qu'il y ait un seul endroit sur terre où deux millions de personnes s'assoient le même jour et à la même heure devant leur télé pour regarder une émission sur une famille qui a gagné à la loterie dans les années 80?» J'ai failli répondre: «Faudrait leur demander», mais j'ai décidé de la jouer décontractée. «Vous savez, au Québec, dans notre lointaine contrée, les hivers sont longs et froids et la seule électricité disponible vient de la télé.» Il n'a pas ri. Il était trop occupé à essayer de comprendre et il n'y parvenait pas: deux millions de téléspectateurs sur une population de sept millions, ça n'a aucun sens! C'est quoi l'affaire, le truc, le mystère?

J'ai commencé à perdre patience. Cela fait 595 fois que j'explique aux représentants du ROC: l'îlot francophone noyé dans une mer anglophone, la communauté d'esprit des insurgés, la résistance culturelle, l'affirmation identitaire, le besoin de se retrouver dans des oeuvres fabriquées à notre image et dans notre langue. Mais rien n'y fait. Confrontés à leurs cotes d'écoute faméliques et à un public branché en permanence sur le câble américain, nos amis du ROC n'arrivent tout simplement pas à concevoir qu'une société aussi soudée devant sa télé puisse encore exister. Le phénomène des Lavigueur, par conséquent, leur échappe, comme celui des Bougon leur a échappé il y a trois ans, et comme celui de la Petite vie, leur a échappé il y a encore plus longtemps.

Ayant toujours ignoré leur propre culture et refusé de la protéger contre les assauts du géant américain, ils ne pigent pas pourquoi nous avons notre propre star system, pourquoi nous n'avons pas honte d'aller voir des films made in Québec et pourquoi il arrive que ceux-ci soient en nomination aux Oscars. Pourtant, le Québec fait partie de la Confédération canadienne depuis plus de 140 ans. Nous ne venons pas tout à fait d'arriver dans le paysage. Et si notre culture a mis du temps à trouver sa voix, c'est chose faite depuis au moins l'Expo 67, bordel!

L'entrevue s'est terminée sur une note hivernale. Vous savez, nous aussi, on a de la neige; pourtant, nos émissions ne font pas de cotes d'écoute, a conclu Jian Ghomeshi. J'ai failli lui répondre: «C'est parce que votre neige n'est pas tricotée aussi serré que la nôtre.» Je n'ai pas osé. La prochaine fois.

Pour en revenir à l'histoire des pneus

Je commence à en avoir marre de la démonisation sociale que l’on porte aux gens qui font le choix de ne pas installer de pneus d’hiver sur leur voiture en cette saison des neiges. Comme au temps des sorcières, il semble que l’on cherche à tout prix à mettre le blâme sur quelqu’un pour la cause de tous nos malheurs routiers, et il s’avère que les gens qui roulent en pneus quatre saisons sont désormais les dindons favoris de nos transports hivernaux. Avant d’aller plus loin, qu’on ne me fasse pas de procès d’intention : je ne suis aucunement contre les pneus d’hiver, je suis tout à fait conscient de leur importance, de la sécurité qu’ils procurent et j’en possède d’ailleurs personnellement quatre. En revanche, l’opinion publique y va gaiement, elle roule à 130 km/h sur l’autoroute (comme le fait la ministre) et elle dépasse tout le monde sur la voie d’accélération en plein tempête, car l’opinion publique québécoise a trouvé la solution miracle à tous nos problèmes hivernaux : les pneus d’hiver ! On va même obliger tout le monde à en en installer à chaque année à partir de 2008. Quelle foutaise...

Ce type de raisonnement me fait penser à la bonne conscience qu’on se donne en recyclant notre petit carton de lait hebdomadaire à titre de solution miracle aux problèmes environnementaux de la planète. On possède trois voitures dans l’entrée et on change de tondeuse à tous les deux ans pour simple le plaisir de consommer ? Pas grave, on recycle notre papier ! On mange un gros gâteau au chocolat à tous les jours ? Pas grave, on boit du lait écrémé ! On conduit à toute allure sur l’autoroute en hiver ? Pas grave, on a des pneus d’hiver ! Un vrai raisonnement professionnel de fourrage de doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Comme le fait l’autruche avec sa tête dans le sable, nous vivons dans une société qui refuse de voir la vérité en pleine face et qui s’en faire accroire à profusion.

Le problème de la pollution, c’est la surconsommation et la croissance économique. Le problème de votre gros bedon, c’est l’absence d’exercice et la mauvaise alimentation. Le problème des accidents de la route à longueur d’année, c’est la vitesse et/ou l’alcool. Un point c’est tout. Quand c’est écrit 100 km/h en grosses lettres sur les pancartes blanches de l’autoroute, ce n’est pas une suggestion ou un défi de dépassement personnel. Ce n’est pas non plus un message subliminal qui veut dire "la police ne m’arrêtera pas tant que je ne dépasserai pas 119 km/h". Pneus d’hiver ou pneus quatre saisons, ralentir est une question de sécurité, une question de ne pas se tuer ou de tuer les autres. D’ailleurs, vous êtes au courant que vous n’êtes pas obligés d’aller aussi vite que ce qui est écrit sur la petite pancarte blanche, n’est-ce pas ? C’est d’ailleurs pour ça qu’il y a un gros 60 km/h d’écrit sous le gros 100 km/h. Ça veut dire que l’intervalle, c’est entre 60 et 100 km/h, pas entre 110 et plus de 140 km/h ! Or, il semble que l’essentiel, c’est d’aller toujours plus vite, de faire la distance Québec-Montréal en 2 heures au lieu de la faire en 2h30. Il ne faudrait surtout pas perdre la grosse demi-heure supplémentaire passée à s’écraser devant la télé une fois arrivé à la maison ! C’est tellement bon Loft Story et Virginie...

Ne nous méprenons pas, en plein mois de janvier, c’est certain qu’il est plus sécuritaire de rouler à 100 km/h avec des pneus d’hiver qu’avec des pneus quatre saisons. En revanche, prenez-moi pour un con si vous le désirez, mais dans les mêmes conditions et peu importe la saison, j’aime encore mieux rouler à 100 km/h avec des pneus quatre saisons qu’à 140 km/h avec des pneus d’hiver !

Sur ce, en hiver, louer une voiture avec des pneus d’hiver, ça devrait effectivement être un choix. Un vrai choix là, pas un "ça-va-vous-coûter-30-piastres-de-plus-par-jour-pour-avoir-ça-si-je-trouve-le-char-dans-mon-inventaire " (expérience vécue...). En revanche, cette fameuse loi forçant tous les automobilistes québécois à installer des pneus d’hiver entre le 15 novembre et le 15 avril à chaque année, c’est un autre bel exemple d’autruche qui se fourre la tête dans le sable. Pensez-vous sincèrement que les accidents vont diminuer parce que tout le monde a des pneus d’hiver ? Sincèrement là, réfléchissez. Selon le ministère des transports, 84 % des automobilistes installent déjà des pneus d’hiver à chaque année, VOLONTAIREMENT. Êtes-vous réellement convaincus que c’est l’autre 16 % qui cause tous les accidents de la route en hiver ? Pas moi.

Pensez-vous également que, rendu au 15 avril de chaque année, tous les automobilistes vont retourner au garage pour faire installer des pneus d’été ? Allons donc. Nous serons mis face au problème inverse (qui, malheureusement, existe déjà beaucoup présentement) : des automobilistes qui gardent leurs pneus d’hiver à longueur d’année et qui se retrouvent avec des pneus d’hiver sur la fesse l’hiver suivant. Ça c’est dangereux, pas mal plus que de garder ses pneus quatre saisons à longueur d’année !

À cet effet, pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, avoir des pneus d’hiver en été n’est pas mieux que d’avoir des pneus quatre saisons en hiver. En été, les pneus d’hiver se dégradent beaucoup plus rapidement, ils collent à la chaussée, ils freinent moins bien à haute température et ils font consommer plus de carburant (beaucoup plus de carburant !). Mais ça, la consommation, ça ne semble pas déranger la populace trop trop... On veut imposer le port des pneus d’hiver ? La logique et la sécurité voudraient que l’on impose également le port des pneus quatre saisons en été. Or, la logique ne semble pas être la grande priorité de l’opinion publique par les temps qui courent.

GBS. Gros. Bon. Sens.

Juste pour le fun, qui d’entre vous vérifiez régulièrement la pression dans vos pneus ? C’est ce que je pensais. Vous êtes au courant que vous devez faire ça, oui ? Vous êtes aussi au courant que le temps et la température extérieure affectent la pression de vos pneus, n’est-ce pas ? À titre d’exemple, entre la fin des chaleurs d’automne et les températures hivernales qui descendent sous le point de congélation, mes pneus passent facilement d’une pression de 32 livres par pouce carré (leur valeur optimale) à 20-25 livres par pouce carré. Alors, avec les variations de température que nous avons en hiver depuis quelques années, ça ne vous est jamais passé par l’esprit qu’un pneu d’hiver à mauvaise pression est moins efficace qu’un pneu quatre saisons à pression optimale ? Ça non plus il semble bien que ça ne vous préoccupe pas trop. C’est bien trop facile de blâmer les pneus quatre saisons en bloc pour tous les malheurs du monde hivernal québécois !

C’est triste, mais l’opinion publique perd de vue l’essentiel, la cause réelle de nos problèmes. Installer des pneus d’hiver ? Absolument, c’est logique et sécuritaire. Par contre, arrêtons de se faire accroire que les meurtriers de la route se cachent parmi les gens qui gardent leurs pneus quatre saisons en hiver. Asimov disait : "Si la connaissance peut créer des problèmes, ce n'est pas par l'ignorance que nous pouvons les résoudre". Or, avec des lois comme celle-ci qui flattent l’opinion publique dans le bon sens du poil, il semble bien que l’on tente de faire justement ça, très exactement.

Il y a trop longtemps...

Voilà près de 4 ans que je n'ai pas touché à ce blogue. Qu'est-ce que je pouvais bien en dire des conneries dans ce temps-là ! Je vous épargne les détails, j'efface tous les anciens messages et je repars à neuf... Remettons donc les pendules à l'heure.
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