Cher
Belz,
Je ne m’en cacherai pas : lorsque j’ai lu
vos insultes à mon égard il y a de cela quelques jours, j’ai bien failli vous lancer des bêtises par la tête uniquement dans le but de vous répondre impulsivement. Mais j’ai cru bon laisser retomber la poussière, ne serait-ce que pour faire triompher l’honnêteté du processus d’argumentation. Sur ce, bien que la démocratie dans laquelle nous vivons nous permette d’exprimer des opinions divergentes de manière parfois robuste, elle ne nous autorise toutefois pas à salir la réputation d’un individu sur la seule base de ses origines. Ça, on appelle ça du racisme et de la xénophobie. Point à la ligne.
À cet effet, rappelons-nous quelques-unes de vos paroles édifiantes à mon égard :
« J'ai mieux à faire que de défendre mes idées de diversité culturelle et de respect des cultures devant des gens bornés et colonisés comme vous. (...) L'auteur de ce blogue est un exilé québécois (du village de Québec) vivant aux États-Unis. Devant si peu de fierté et un tel à-plat-ventrisme, je crois qu'il n'y a rien à ajouter, sinon que je ne perdrai plus mon temps ici. (...) Quand on est colonisé au point de ne plus se rendre compte qu'on l'est, c'est généralement le point où il n'y a plus rien à ajouter. (...) Personnellement les gens qui se permettent de donner des leçons de français et de diversité culturelle au Québec mais qui sont partis vivre en anglais aux États-Unis me donnent envie de rire. »Premièrement, commençons par le commencement : oui je suis né à Québec. C’est peut-être bien dommage pour vous, mais que voulez-vous que j’y fasse ? Que je m’en excuse ? Que je me repente ? Que je retourne dans le ventre de ma mère il y a très exactement trente ans aujourd’hui dans le but de la forcer à aller accoucher à Montréal ?
Ridicule.
Je suis né à Québec et j’y suis encore très attaché, car j’y ai grandi, j’y ai plein de bons souvenirs et plusieurs membres de ma famille y habitent encore. De plus, je suis fier de Québec, car c’est à mon avis l’une des plus belles villes qu’il m’ait été donné de visiter dans ma vie (et faites-moi confiance, j’en ai vu beaucoup). Je vous le demande sincèrement, car je crois que vous aurez beaucoup de difficulté à défendre votre point de vue de manière rationnelle : qu’est-ce que ça change que je sois né à Québec ? Quel droit avez-vous de rabattre mes opinions uniquement parce que je suis né et que j’ai grandi dans cette ville ?
Aucun droit. Et pourquoi ?
Parce que vous ne me connaissez pas. Parce que si vous faites ce genre de jugement, vous devez automatiquement accepter votre caractère discriminatoire. Parce que vos paroles me laissent croire que vous êtes le genre d’individu qui s’imagine que le monde est dualiste. Pour vous, dans la vie, il y a les bons et les méchants, les souverainistes et les fédéralistes, les francophones et les anglophones, le blanc et le noir, la ville de Québec et le reste du Québec. Bref, que vous le vouliez ou non, vous êtes comme George W. Bush :
« You are with us or you are against us! » (Vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous !). D’ailleurs,
votre dernière salve sur la ville de Québec le prouve amplement. Vision réductionniste, simpliste et puérile de la vie, elle vous amène à des généralisations grossières qui vous poussent à juger les gens sur la base de préjugés et d’idées préconçues.
Sur ce, même s’il est vrai qu’il y a une méchante
gang de crinqués qui habitent la ville de Québec (oui je connais les X), qu’est-ce qui vous fait croire que je suis l’un d’eux pour la simple raison que je suis originaire de Québec ?
Rien.
Or vous, sans même me connaître ou avoir pris le temps de discuter (rappelez-vous de votre
« je ne perdrai plus mon temps ici » écrit dès votre première intervention sur ce blogue), vous faites le choix délibéré de croire que je suis l’un de ces individus que vous détestez. C’est complètement gratuit et ça démontre très bien que vous vous refusez à toute discussion constructive.
Avez-vous considéré pour deux ou trois secondes le fait que j’ai habité Montréal pendant près du tiers de ma vie et que mon adresse canadienne officielle s’y trouve encore ? Avez-vous considéré que j’y ai étudié, que certains de mes meilleurs amis d’aujourd’hui ont des racines italienne, salvadorienne, française ou belge à cause de Montréal ? Que j’ai vécu dans Côte-Des-Neiges pendant plus de sept ans et que je sais ce que c’est d’être le seul blanc dans un wagon de métro à la station Parc ? Que j’en ai passé des heures à fouiner dans les magasins de CD usagés de la rue Mont-Royal pendant ses ventes trottoir en plein été ? Que je sais aussi ce que c’est de ne pas pouvoir se faire servir en français à l’ouest de Crescent ?
Non. Pour vous, moi je viens de Québec, donc je suis un connard de la pire espèce. Parce que tout le monde sait très bien qu’on ne retrouve que ça à Québec : des connards de la pire espèce. N’est-ce pas ?
(sic)Et en plus, vous avez l’audace de remettre ma fierté québécoise en question et de croire que je vends mon âme à la langue anglaise ?! Vous osez dire que je suis un adepte de l’à-plat-ventrisme et que je suis colonisé au point de ne plus m’en rendre compte ?! Non mais quel culot le mec ! Tout ça sans même avoir la seule idée de la raison pour laquelle je me trouve où je suis présentement. Eh bien laissez-moi vous instruire à cet effet.
Voyez-vous, il existe une certaine catégorie de la population québécoise qui croit que l’avancement culturel et la reconnaissance de notre peuple passent par l’ouverture sur le monde plutôt que sur l’art de se recroqueviller sur notre passé de peuple conquis. Il existe des Québécois (la majorité d’ailleurs) qui croit au progrès, à l’avenir, à la réussite sociale et économique de notre nation au niveau international. Il existe une majorité de Québécois qui croit que nos connaissances à la fine pointe de la technologie doivent être transmises à l’étranger et que les connaissances acquises à l’étranger doivent également nous être transmises par pure réciprocité et pour l’avancement de notre espèce.
Vous n’aimerez peut-être pas la conclusion de cette salve, mais je suis aux États-Unis à cause de ces Québécois qui ont très bien compris ça. En raison de tous ces Québécois qui ont suffisamment de vision pour se rendre compte de l’importance du transfert de connaissances entre peuples, qu’ils soient anglophones ou autre. Grâce au raisonnement de ces Québécois, j’habite aux États-Unis parce que je suis titulaire d’une
bourse gouvernementale du
Fonds de Recherche sur la nature et les technologies du Québec, payée par NOS taxes et impôts.
Tout ça, je le fais dans le but d’acquérir des connaissances à la fine pointe de la technologie actuelle dans l’une des universités les plus prestigieuses de la planète (Yale), où des tonnes d’individus de partout dans le monde se rencontrent pour brasser des idées, pour faire avancer les choses. Je suis ici parce qu’il y a des Québécois qui croient VRAIMENT en la diversité culturelle, celle de l’ouverture sur le monde et sur la destruction des barrières de préjugés. Pas la supposée diversité culturelle dont vous vous faites le porte-étendard et qui exclut certains peuples de ce monde. Mon cher Belz, j’habite aux États-Unis dans le but éventuel de pouvoir faire bénéficier NOTRE société québécoise de toutes ces connaissances. Ironique, non ?
Mais non ! À votre avis, moi je suis ici parce que j’ai vendu mon âme aux Anglais et parce que j’ai décidé de
« m'inféoder à une manière particulière de penser qui rétrécit les possibles et [qui] détruit la diversité culturelle mondiale » ! Vos propres mots (qui définissent bien l’art de savoir parler à travers son chapeau).
M’inféoder à une manière de penser qui rétrécit les possibles ?!
Belz, pourquoi pensez-vous que j’écris ce blogue ?! En plus d’être extrêmement fier et attaché à ma langue maternelle (que je tiens à conserver à tout prix en y écrivant quelques mots régulièrement), j’aime bien faire ressortir les points positifs et négatifs de notre nation québécoise en les opposant à ce qui se fait chez nos voisins du sud. Car c’est justement là où le bât blesse dans votre position, et je ne saurais le décrire mieux que dans les mots de Sapin :
« (...) vos idées de diversité culturelle et de respect des cultures (...) ne valent guère plus qu'un petit pois sec puisqu'elles reposent sur la prémisse selon laquelle la pleine réalisation de cette diversité et de ce respect est conditionnelle à un rejet systématique et sans appel de la culture anglo-saxonne et de ceux s'en réclamant. Pourtant, être ouvert à la diversité, c'est être ouvert à toutes les cultures, sans exception. Et être ouvert à la diversité, c'est aussi être ouvert à la diversité des points de vue. Or sur ce point, vous semblez éprouver quelques difficultés. »Décidément mon cher Belz, vous n’en avez aucune idée, mais vous avez trouvé la meilleure manière de vous aliéner des gens qui pensent comme vous sur bien des points : les attaquer gratuitement et les provoquer. Non seulement vous insultez mon intelligence en jugeant faussement mes intentions et les motifs de mon existence, mais vous avez en plus le culot de remettre en question ma fierté d’être Québécois ! Vous n’avez aucune idée de l’ouverture sur le monde que l’on peut avoir lorsqu’on se retrouve seul à l’étranger. Vous n’avez non plus aucune idée du fait qu’à ma manière bien personnelle, je tente de transmettre une partie de ma culture à mes semblables.
Car si je « m’inféodais » à la culture anglophone et que j’étais aussi colonisé que vous le dites, comment se fait-il qu’un laboratoire de chimie de l’Université Yale écoute si régulièrement la musique des Cowboys Fringants, de Marc Déry, de Dumas, de Malajube, de Richard Desjardins ou de Mickey 3D ? Comment se fait-il qu’une Chinoise, un Sri Lankais, un Ukrainien et quatre Américains me demandent quotidiennement de leur apprendre quelques mots de français (à un point tel que le tableau du labo en est désormais rempli) ? Et comment se fait-il que mon bureau, au milieu de ce monde si anglophone dans cette contrée si anglophone, arbore néanmoins un drapeau Québécois visible de partout aux alentours ?
Parce que j’aime ce drapeau et j’aime ce qu’il représente. Vous aurez beau dire le contraire, mais moi je suis prêt à dire que je célèbre minimalement ma culture et que je contribue à assurer la diversité des cultures humaines. Non ? D’ailleurs, ce n’est pas vous qui avez fait l'apologie de ça dans votre billet hargneux contre Québec : « (...) en se célébrant soi-même, on contribue à assurer la diversité des cultures humaines. » ? Oui, c'est bien vous.
Tout ça, ça ne vaut peut-être rien pour vous, mais un jour si vous marchez au milieu de
Potsdamer Platz à Berlin, vous regarderez bien attentivement les drapeaux qui y flottent. Ce jour-là, quand vous ressentirez la même fierté que moi à la vue de ce drapeau juché à côté de la porte de Brandeboug, au beau milieu de cette place si symbolique et chargée d’histoire lourde et sinistre au niveau de la discrimination des peuples, vous vous raviserez peut-être sur votre vision actuelle du Québec et des anglophones. Ce jour là, vous reviendrez ici et vous me ferez d’autres leçons sur mon ouverture sur le monde et sur ma fierté d’être Québécois. D’ici là, au lieu de juger les gens à qui mieux mieux parce que vous pensez qu’ils sont comme ci ou comme ça, apprenez donc à les connaître.
Oh, et dites-moi donc en terminant, avez-vous lu le sous-titre de ce blogue ? Je dis ça comme ça, mais ça vaut parfois la peine de se le rappeler :
« Rien n'est plus dangereux qu'une idée quand on n'a qu'une idée. » -Johann Wolfgang von Goethe