
24 décembre 2008. 4h00 du matin. Ste-Foy, Québec.
Douleurs à la poitrine. Merde, qu’est-ce qui se passe ? Voilà quelques jours que je ressens ça. Et en plus il faut que ça tombe la veille de Noël. Pas exactement le bon moment pour voir un médecin...
Coup de fil à Info-Santé. Excellente infirmière. Discussion d’environ 45 minutes sur les symptômes et les causes probables. Comme la douleur semble se résorber lors des repas et qu’elle n’est pas corrélée avec l’effort physique, la dame élimine la cause cardiaque, mais elle me donne néanmoins des numéros de téléphone pour quelques cliniques sans rendez-vous dans les environs.
9h00 à 13h00 seulement. Et assurez-vous d’arriver à l’avance, car ils ont des quotas. Veille de Noël oblige, c'est la chiasse.
Encore une chance que je connaisse trois médecins dans la région de Québec. Coup de fil à l’une d’entre elles. Bla bla bla, clinique ? Bla bla bla, oublie ça. Bla bla bla, pas vraiment le goût d’attendre 12 heures dans la salle d’attente d’une urgence non plus...
Ce que mon amie médecin me dit ? Très simple quand on connaît les entrailles du système de santé québécois. Nick, tu veux passer vite et qu’on s’occupe de toi ? Voici ce que tu vas faire :
1) Tu vas à l’urgence de l’un des trois hôpitaux suivants dans la région, dans l’ordre : St-Sacrement, Hôpital Laval, ou CHUL. Les urgences des autres sont toujours trop engorgées.
2) Lorsque tu arrives au triage (c’est-à-dire à la première infirmière que tu vois), tu lui dis que tu as une douleur à la poitrine. Tu ne lui dis PAS que ça s’estompe quand tu manges. Tu ne mens pas, mais tu lui dis seulement que tu t’es levé ce matin, que tu avais une douleur à la poitrine et que ça dure depuis quelques jours.
Je m’habille et je fais exactement ce qu’elle me dit. Résultat ? Priorité numéro 1 : risque élevé, potentiel cardiaque. En moins de temps que je ne l’avais prévu, j’ai pu observer l’extraordinaire efficacité du système de santé québécois lorsqu’il est mis face à un *VRAI* cas d’urgence. En moins de 10 minutes, j’étais à l’urgence primaire, déshabillé, couché sur une civière avec des électrodes partout sur la poitrine, avec une infirmière qui me préparait le garrot pour me faire des prises de sang. J’avais même l’impression d’être dans une urgence privée tellement la salle était petite, propre, rangée, et avec si peu de patients. Et en prime ? Médecin hyper gentil et absolument génial.
Bon d’accord, j’ai quand même dû attendre quelques heures sur la civière, mais il faut tout de même avouer que ça ne prend pas deux minutes faire 3 prises de sang, un test d’urine, un électrocardiogramme et quatre radiographies (deux aux poumons et deux aux intestins), en plus d'attendre les résultats d'analyse. Franchement, rien à redire sur le service et l’efficacité. J’ai même eu droit à un repas en prime (bon d'accord, de la bouffe d’hôpital, mais de la bouffe quand même).
Verdict ? Aérophagie. De l’air dans l’estomac, c’est tout. Genre un demi-litre d’air logé dans le haut de mon estomac qui pousse sur mon diaphragme et qui crée la douleur que je ressentais alors depuis quelques jours.
Manges-tu trop vite ? Un peu, oui.
Mâches-tu beaucoup de gomme ? Un peu, oui.
Bois-tu beaucoup de boissons gazeuses ? Bof pas vraiment, mais j’habite aux USA quand même, donc peut-être, oui.
Es-tu stressé ? Bin quin, je viens d’apprendre que j’ai un cancer de la peau. Qu’est-ce que t’en penses ?
Voilà. Voici ton congé. Merci bonsoir. Joyeux Noël. Évite les bulles.
Les patients ne passent pas dans l’ordre d’arrivée, mais bien par ordre de priorité. C’était écrit en grosses lettres à l’arrivée, et pour la première fois de ma vie j’ai pu le constater pour vrai.
J’ai pu enfin constater que le problème du système de santé québécois, ce n’est pas son efficacité ou encore la qualité des soins que l’on y prodigue. J’ai pu constater que le système de santé québécois, autant puisse-t-on en dire bien du mal, il demeure pas mal extraordinaire, *EN AUTANT* que notre problème est *RÉELLEMENT* urgent.
Le problème du système de santé québécois, c’est au niveau de la bureaucratie qu’on le retrouve. Le problème du système de santé québécois, c’est dans l’absence d’une *RÉELLE* solution efficace à l’extérieur de l’urgence d’un hôpital ou d'une clinique privée qui accepte 15 patients par jour.
Si vous êtes comme moi, que vous devez voir un médecin rapidement et que vous n’avez pas de médecin de famille, qu’est-ce que vous faites vous ? Moi je vais soit à l’urgence ou dans une clinique privée. Vous connaissez d’autres alternatives, vous ? Pas moi. Il n’y a *PAS* de réelle alternative à ces deux possibilités. Ou du moins, si elles existent ces alternatives, le monde ordinaire n’est pas au courant, car les urgences sont bondées sans que ce soit justifié. Si elles existent ces solutions alternatives, qu’on nous instruise au plus sacrant !
Car comme c’est là, si vous vous ramassez à l’urgence et que votre cas n’est réellement pas si urgent, c’est LÀ qu’on vous fait attendre les 12 heures des statistiques québécoises. Et c'est ÇA qui nous fait tous rager contre notre système de santé. Avouons-le quand même : c’est exactement dans ces situations-là qu’on engorge le système, nous, petits êtres humains qui s’imaginent être en situation de « vraie » urgence.
C’est peut-être bien simple à dire, mais il n’en demeure pas moins que la meilleure façon de régler le problème, c’est de trouver une *VRAIE* alternative entre avoir un médecin de famille disponible 24 heures sur 24 (ce qui est irréaliste et loin d’être donné à tout le monde), ou encore d’engorger des urgences qui pourraient être pas mal moins bondées si on pouvait aller ailleurs efficacement.
Changer les choses pour le mieux et avec originalité, on a déjà fait ça au Québec, notamment dans l’éducation avec la création des cégeps dans les années soixante. Suffit de réfléchir et d’agir en dehors des discours politiques partisans. Let's think outside of the box for two minutes...
Car aux États-Unis, ça coûte peut-être cher pour le prolétaire qui n’en a pas les moyens, mais voir un médecin rapidement, ça marche en s’il-vous-plaît ! Vous aurez compris que j’utilise leur système de santé pas mal de ces temps-ci et j’ai eu l’occasion de m’en faire une petite idée. On s’en reparlera bien assez tôt.