2008-02-10

Les hautes sphères de l’intelligentsia se prononcent encore

L’article de Christine Fortier dans Voir Montréal à propos de la sortie du nouveau disque de Simple Plan est honnête et ce n’est pas pour cette raison que je publie ce post. Ce qui me tue, c’est le commentaire de Charles-Olivier Laplante que l’on retrouve en dessous (voir ici). Une seule phrase à ce sujet : y’en a marre des faux intégristes de la culture ! Le gars, y’en a même pas mal marre. Vous savez, ces gens qui disent que ce n’est pas bon parce que ce n’est pas digne des hautes sphères de la culture ? Que ce n’est pas digne de mention parce que ce n’est pas assez obscur, que c’est trop populaire, que c’est trop mainstream ?

Dites-moi donc, c’est écrit où dans l’histoire du Québec qu’on n’a pas de droit de faire de l’argent ? C’est écrit où que les Québécois qui réussissent internationalement doivent absolument se faire chier sur la tête à tout coup par la critique populaire ? Dans l’histoire de ce peuple francophone d’Amérique, qui a décidé un beau matin qu’il fallait que le Québec conserve son attitude défaitiste et négative face aux nôtres qui réussissent ? Décidément, il semble que ce soit ancré dans nos gènes collectifs. Nous, Québécois, devrions manger notre petit pain de prolétaires à la solde des gros et méchants patrons anglophones et de l’élite cultivée sous peine de trahir nos origines... On se croirait dans une toune des Cowboys Fringants !

Quelques belles expressions tirées de ce commentaire à propos du nouveau disque de Simple Plan : « galette indigeste », « cochonnerie préfabriquée », « gosses de riche de la rive sud », « gros cash sale des compagnies », etc. Primo, au moment d’écrire ce commentaire, le disque n’est même pas encore en magasin. Ainsi, à moins d’avoir téléchargé l’album sur Internet (je doute qu’il s’en soit d’ailleurs donné la peine), le gars parle assurément à travers son chapeau. Secundo, ne devrait-il pas être content que ce soit justement l’un des siens qui, pour une fois, ramasse le « gros cash sale » des compagnies américaines ? Moi je le suis. Et je suis encore plus content quand je tombe sur une télé crachant leur nouveau vidéo dans les allées du Target près de chez moi à New Haven (Target est une grosse chaîne américaine de commerce au détail).

Ça n’a rien à voir avec Simple Plan, ou Céline Dion, ou tout autre artiste québécois dont le succès dépasse les frontières montréalaises. On a droit d’aimer ou de ne pas aimer, là n’est pas la question. Par contre, là où le bât blesse, c’est quand on crache sur ce succès sous prétexte qu’il est rentable et/ou qu’il n’est pas digne de la « Culture » avec un grand « C » (vous savez, celle qui commence souvent pas cul, comme dans je pète plus haut que le trou ?). À cet effet, je me permets de citer Patrick Lagacé, qui se prononce sur l’humour québécois de manière similaire :

« Je sais que c’est de bon ton, dans le commentariat, dans les hautes sphères de l’intelligentsia, de dénigrer l’humour québécois. Surtout l’humour dit « léger », un code pour l’humour qui ne fait pas dans la politique, le sociétal, l’opinion, l’engagé. Comme si l’humour politique, sociétal, opiniâtre, engagé était forcément songé et génial. Comme si l’humour de gars-drôle-qui-observe-le-quotidien était forcément mineur. Je m’excuse, mais l’humour sérieux et engagé peut être mauvais et il l’est souvent. Et l’humour qui se nourrit du quotidien peut être génial. Seinfeld était génial. Larry David frise le génie. Et ces deux-là n’ont rien d’engagé, pourtant, loin de là. »

Dans le même ton : je m’excuse, mais la culture dite de haute société peut être mauvaise et elle l’est souvent. Tout comme la culture dite « légère » peut être bonne et elle l’est souvent. De grâce, sachons faire la différence entre : 1) quelque chose que l’on n’aime pas parce que ce n'est tout simplement pas notre genre et 2) dénigrer gratuitement quelque chose que l’on n’aime pas sur la base de faux arguments qui nous font paraître « cultivé ». Et surtout, soyons fiers de la réussite de notre prochain, particulièrement lorsqu’elle est québécoise.

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Y'en a quelques uns, et pas uniquement les pire idiots, pour défendre que l'art est par définition opposé à la commercialisation. C'est le cas de Pierre Bourdieu, certes un anti-économiste, mais néanmoins un brillant sociologue français récemment disparu. Si sa théorie se tient, le phénomène de la marge contre le mainstream est pratiquemment universel.

L'argument va comme suit (de mémoire): l'art est défini socialement. C'est-à-dire que certaines personnes ont le droit de se dire artistes alors que d'autres se voient refusé ce même épithète. Le tout à une date donnée: le champ artistique évolue, les obscurs d'aujourd'hui devenant parfois les brillants du lendemain, avant de devenir des bon jovi à une étape subséquente.

Ceux qui décident de ce qu'est l'art (passons) cherchent à se distinguer des autres. Dans la mesure où ces derniers sont en mesure d'imposer une définition de l'art plus exclusive, ils s'exécutent car, ce faisant, ils gagnent en autorité - au profits ceux qu'ils déclassent.

Le succès commercial relevant de la consommation de masse, ce qui se vend commercialement, sauf erreur, n'est plus considéré de l'art par les autorités en la matière (notamment une certaine critique) qui, elles, sont passées à autre chose.

L'interrogation que soulève cette théorie, c'est chez tes hôtes qu'elle s'exprime le plus clairement (à mon sens du moins): les É-U définissent-ils l'art de manière différente du monde ou existe-t-il un monde amerloque à l'avant-garde d'Hollywood? Un jour je trouverai...

Unknown a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit...

Théorie intéressante, mais dont l'élitisme à peine voilé me répugne pas mal. Il faudra s'en reparler.

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