2008-02-24

Sociologue du dimanche

Il y a des peuples qui ont de la misère à sortir de chez eux. Pas dans le sens d’aller chercher une peinte de lait au dépanneur ou d’assister à un spectacle le vendredi soir, mais bien dans le sens d’aller vivre ailleurs que dans leur environnement immédiat, dans leur province, dans leur état. Souvent limités par la barrière de la langue, les Québécois sont comme ça. Compréhensible, me direz-vous ? Peut-être. Y'a même des Montréalais qui ne sont jamais sortis de leur ville, mais ça c'est une autre histoire...

Ironiquement, si on les compare aux Américains, les Canadiens anglais sont également comme ça. Ce n’est pas une affirmation coulée dans le béton, mais disons que je parle en me fiant à mon domaine et à mon expérience personnelle face aux Canadiens et aux Américains que je côtoie quotidiennement ou que j’ai côtoyé dans le passé.

Les chimistes américains naissent et grandissent dans un état V, vont à l’université dans un état W, font leurs études supérieures dans un état X, un postdoctorat dans un état Y et obtiennent un poste dans un état Z. Et ça, c’est dans le monde idéal où ils ne changent pas deux ou trois fois d’emplois durant leur carrière, postes qu’ils trouveront invariablement dans les états A, B et C. Ainsi, les Américains sortent très peu de leur pays, mais ils ont la bougeotte à l’intérieur de leurs propres frontières. Conséquemment, ils se connaissent très bien, tant géographiquement que socialement.

Ce que je vous dis là, ce n’est pas l’exception. En fait, c’est même pratiquement la norme. À l’inverse, bien que de tels Canadiens existent assurément, il est plutôt rare d’en rencontrer qui viennent de la Nouvelle-Écosse, qui ont fait leurs études de premier cycle au Québec, leur doctorat en Alberta, leur postdoctorat au Manitoba et qui travaillent désormais à Terre-Neuve. Rare comme de la merde de pape.

Il m’apparaît possible que la différence entre le nomade américain et le sédentaire canadien soit à la fois liée à la vivacité économique des États-Unis, à leur importante population ainsi qu’à la diversité géographique du pays. Une plus grande population signifie indubitablement la multiplication des centres urbains d’importance. Bien évidemment, des villes comme New York, Los Angeles et Chicago sont-elles nécessairement plus populeuses que n’importe quelle grande ville canadienne, mais on retrouve également aux États-Unis beaucoup plus de compagnies technologiques majeures dans de plus petits centres urbains tels San Diego, San Francisco, Seattle, Baltimore, Washington, Philadelphie et Boston (qui sont des villes moins populeuses ou à tout le moins comparables aux trois régions métropolitaines de Toronto, Montréal et Vancouver). Pourquoi des villes comme Winnipeg, Halifax, Calgary, Edmonton ou Québec ― qui sont tout aussi grosses que bien des villes américaines d'importance ― n’ont-elles pas le même statut international ? Curieux... Enfin, tout ça c’est un autre débat.

Loin de moi l’idée de jouer au sociologue du dimanche (trop tard !), mais je serais curieux de savoir si de telles différences de comportement sociaux entre les Canadiens anglais et les Américains sont également liées à d’autres facteurs, notamment le sentiment d’appartenance et/ou les valeurs de chacun des ces deux peuples anglophones géographiquement contigus. Bien qu’il soit difficile pour un Québécois francophone de distinguer les valeurs canadiennes des valeurs américaines ― au même titre qu’il est difficile de distinguer les valeurs mexicaines des valeurs salvadoriennes ou colombiennes ―, les Canadiens anglais sont les premiers à se dissocier des américains en clamant leur distinction.

Il y a définitivement quelque chose derrière cela. Réflexion à suivre.

1 commentaire:

El Ultimo Bastardo a dit...

Très intéressant !
De mon côté, immigré "européen"(trop de mélange dans le sang ..j'en finirai pas !), ayant vécu la plus grosse partie de mon enfance en France, J'ai étudié en suite à l'université à Paris, puis aux États-Unis, puis j'ai effectué quelques stages au Québec. Je me retrouve maintenant à Montréal depuis une dizaine d'année.

Étrangement, le choc culturel se fait maintenant beaucoup plus lorsque je retourne voir la famille en France : je ne suis plus vraiment français ( et on me surnomme le Canadien (sic) car J'ai de drôles d'Expressions et un accent bizarre!)et lorsque je retourne au Québec, je ne suis pas vraiment Québécois ( pour les autres - de part mon accent !) même si je me consière plus Québécois que Français ...

Bref finalement, je ne suis nul part chez moi ...mais je vis avec ... et je comprend maintenant la sensation des immigrés ...

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